Comment écoute-t-on les sons des Cétacés ?

Un hydrophone, un magnétophone et un protocole

Un matériel simple

Notre matériel d’écoute sous-marine est composé d’un hydrophone associé à un ordinateur. Nous employons un hydrophone remorqué comportant deux voies d’écoute et relié à une interface analogique-numérique. Il est adapté à un usage continu en mer et peut s’utiliser alors que le bateau avance. L’interface comprend un filtre réglable est généralement utilisé pour améliorer le rapport signal/bruit à la réception.

Le Système de Monitoring Acoustique des Cétacés (SMAC), développé en partenariat avec la SOGETI, est utilisé depuis 2010 lors des prospections du GREC.
Les émissions sonores sont confrontées aux observations réalisées sur les cétacés en surface. Avec de l’expérience, il devient aisé de reconnaître les différentes espèces communes, à l’instar des ornithologues qui savent identifier les oiseaux de leur région rien qu’à l’écoute d’un chant.

Sur le terrain, un protocole systématique

Pour la réalisation de l’échantillonnage acoustique, une écoute est réalisée tous les 2 milles ou toutes les 20 minutes. L’opérateur acoustique (un des observateurs spécialement qualifié) effectue une écoute sous-marine régulière et transmet aux autres observateurs le résultat de son opération. Les écoutes sont réalisées selon le protocole suivant : on procède à 60 secondes d’écoute, et on consigne ce qui est entendu et vu sur les spectrogramme de l’ordinateur: le niveau de bruit et le niveau de signal (échelle à 5 niveaux), ainsi que tout renseignement sur les sons entendus et leur contexte (comportement des animaux). 

Dans un second temps, au cas où un son de nature incertaine est entendu, l’écoute est prolongée du temps nécessaire à l’identification de la source sonore et l’hélice est parfois débrayée. Un enregistrement est réalisé à chaque fois que c’est jugé intéressant.

Auditorium

Le Mégaptère ou Baleine à bosse

Le GREC étudie ses chants depuis 1997, en Polynésie Française en premier lieu. Écoutez quelques morceaux de ces partitions :

  • Extrait du chant du mégaptère en 2003
  • Extrait du chant du mégaptère en 2004
  • Extrait du chant du mégaptère en 2005

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Le Cachalot

Le GREC enregistre les sons émis par le cachalot depuis 1994, mais plus intensivement depuis 2001 en Méditerranée, car on s’en sert pour étudier la chasse de ce grand et bruyant plongeur :

Les clics du cachalot sont simplement les impulsions de son sonar :

  • Clics de cachalot en chasse (Méditerranée, 2004)

Les codas permettent aux individus de communiquer sur leur identité et peut-être de passer des messages :

  • Codas d’un cachalot (Méditerranée, 2001)

D’autres sons ont des fonctions pas précisément connues comme les « chirrups » (crépitements), les trompettes (en début de sonde, parfois), les miaulements (faits par des nourrissons) :

  • Chirrup d’un cachalot (Méditerranée, 2003)

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Le Globicéphale noir

Cette espèce est la plus vocale de Méditerranée, avec une grande diversité d’émissions acoustiques (sifflements, cris pulsés et clics). Les premiers enregistrements de globicéphale du GREC datent de 1990 !

On pense mettre en évidence des répertoires spécifiques à des groupes, un peu comme pour les orques. Une étude préliminaire est déjà réalisée.

  • Sifflements et cris (Méditerranée NW, 1997)
  • Clics et cris pulsés (Méditerranée NW, 1997)
  • Clics et cris (Méditerranée SW, 1999)

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Le Dauphin de Risso

Ce dauphin se caractérise par des émissions acoustiques comprenant beaucoup de cris pulsés, ou trains d’impulsions, donnant une impression de bourdonnements ou miaulements, et aussi des sifflements et des clics. Les premiers enregistrements de dauphin de Risso du GREC datent de 1994.

On a du mal à distinguer les sifflements du dauphin de Risso de ceux des autres dauphins de Méditerranée. Une étude de reconnaissance a été réalisée en 2008 et 2009.

  • Sifflements et trains d’impulsions (Méditerranée NW, 1999)
  • Clics et cris pulsés (Méditerranée NW, 1999)
  • Clics et cris (Méditerranée W, 2002)

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Des résultats scientifiques

Des cartes de la distribution acoustique des cétacés

La détection acoustique apparaît utile pour des groupes de Dauphins bleus et blancs dans les cas où la visibilité n’est pas « très bonne ». Pour des espèces « bruyantes » (Cachalot, Globicéphale), le rayon de détection de l’hydrophone (plusieurs km) est largement supérieur à la limite de détection visuelle.
A la suite d’une première expérience en 1994, nous avons établi une méthode de prospection combinant la détection visuelle et la veille acoustique, que nous avons employée en permanence durant tous nos programmes depuis 1996. Il s’agit d’une méthode de transect linéaire combinant un échantillonnage visuel à des écoutes sous-marines tous les 2 milles. Ainsi, pour toutes nos prospections une carte de distribution acoustique des dauphins peut être produite et comparée aux observations, et la détection des Cachalots en sonde est assurée avec certitude.

La nuit, localiser les dauphins…

Des Dauphins bleus et blancs localisés en pleine nuit au voisinage des côtes : échantillonner le talus continental avec un hydrophone pour montrer à quel point les dauphins se rapprochent du rivage la nuit ? Il suffisait d’y penser… Pour cela, on avait au préalable l’expérience de ces sons en « forêt de caquètement » perçus quand les dauphins chassent en bande dispersée durant la nuit. On savait également que la prédation est surtout nocturne pour cette espèce et que les dauphins font un mouvement d’aller et retour vers la côte durant un cycle de 24 heures.

Des échantillonnages nocturnes ont été réalisés au voisinage d’Antibes. Cette étude a mis pour la première fois en évidence le rapprochement de la côte opéré par des dauphins durant la nuit, pour se nourrir. Ce résultat a des implications certaines au niveau de la gestion de la faune marine et de la coexistence entre activités humaines et faune sauvage

L’écologie du Cachalot

Ce domaine a suivi une évolution rapide de 2000 à 2005. Les récentes avancées concernent la distribution et l’abondance relative du Cachalot estimées grâce aux données acoustiques des campagnes, ou la détermination de groupes géographiques distincts pour la Méditerranée. Un travail novateur aussi concerne l’évaluation du succès de la prédation des Cachalots, selon les régions, grâce à la quantification des émissions de type « creaks ». Notons également l’évaluation de la distribution des individus en fonction de leur taille, obtenue à partir des impulsions formant la structure de chaque clic.

La reproduction du Mégaptère

Certainement moins originale (car elle est pratiquée en de nombreux sites et depuis longtemps), l’étude du chant nuptial du Mégaptère de Polynésie Française a lieu depuis 1997. Le but ici est de décrire l’évolution du chant année par année à partir d’enregistrements effectués entre septembre et novembre lorsque les baleines hivernent autour des îles de la Société. Par rapport aux chants connus ailleurs dans le monde, les Mégaptères que nous étudions paraissent avoir un répertoire varié (5 à 6 thèmes selon les années) avec un domaine de fréquence très étendu (20 Hz à 10 000 Hz) et une grande variété dans les sons. Leur chant est différent de celui entendu dans les régions du Pacifique ouest (Nlle Zélande, Australie).

L’identification acoustique des delphinidés

Des travaux ont été menés sur l’identification des espèces de dauphins grâce à leur signature acoustique, tout d’abord en Méditerranée, puis en Atlantique (voir les publications).