Voir ‘1994 : Visuel ET acoustique’…
Une Anacaona, … sinon rien !
Si la petite prospection d’hiver nous voit sur la petite Anacaona, dès le mois de mai nous naviguons sur un beau Gib’Sea de 37 pieds, un peu style fifty, mais bon voilier quand même. Comme ce bateau avait un nom ridicule, nous le rebaptisons Anacaona.
Ce nouveau voilier est équipé d’un gros Perkins de 75 chevaux et d’un pilote automatique hydraulique … de quoi tracer des beaux zig-zags sur la mer bleue. Nous constatons vite que notre nouvelle Anacaona n’effraie pas les dauphins …
A la fin du printemps nous installons l’hydrophone sur notre bateau: il nous servira en permanence à enregistrer les dauphins et les cachalots. Il est plus facile à remorquer qu’avec les 15 chevaux de la petite Anacaona !
C’est avec une belle observation de Grampus que s’achève le mois de mai. Mais nous reprenons les prospections le 9 juillet, non sans qu’entre temps j’aie obtenu mon doctorat.
En effet, le 20 juin à Montpellier tous les travaux menés en mer par le GREC sont sanctionnés par une thèse sur les Cétacés de Méditerranée nord-occidentale. Un pavé de plus de 400 pages qui donne un sérieux coup de vieux aux connaissances antérieures sur les dauphins et baleines de la région.
L’été 1995 nous voit effectuer une étude de distribution pour la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur: c’est la première fois que nous avons une subvention, le GREC reçoit 50 000 francs pour ce travail, ce n’est pas rien.
Dès début juillet et jusqu’à fin-août, ce ne sont pas moins de 8 volontaires qui goûtent au plaisir de la prospection sur les cétacés: étudiants mais aussi adultes qui viennent sur notre bateau pour aider et observer.
Un peu avant d’arriver au large de Marseille, nous observons un beau groupe de globicéphales, avec des petits. Activité de sieste en milieu de journée, comme souvent.
Mais la présence du voilier avec son moteur les réveille, et une petite délégation finit par rejoindre le bateau, s’approchant tout près à la joie des grands et des petits.
Pendant ce temps, on enregistre un belle cacophonie à l’hydrophone: les enregistrements sont pris avec un DAT, donc en format numérique. Encore une nouveauté pour l’année 95.
La fin de ce zig-zag nous amène à Marseille vers le 27 juillet, avec une bonne partie de la prospection ‘Région’ achevée, il ne manque plus que la partie Ligure, a priori la plus facile.
Mauvaise surprise, malgré l’hydrophone, la campagne estivale ne voit qu’une seule observation de cachalot: c’est que cette espèce a perdu une bonne partie de ses effectifs dans les filets dérivants.
Dorénavant, grâce à une technique apprise de nos amis britanniques de l’IFAW, nous pouvons nous orienter vers un cachalot ‘à l’oreille’, puisque le casque donne à l’audition une direction approximative de l’animal.
La suite de la prospection nous ramène vers l’Est, avec une escapade d’une semaine vers la Corse du Nord: on note à nouveau une grande abondance relative de rorquals communs: plus d’un tiers du total des observations (au nombre de 192).
Par contre le centre de la mer Ligure ne paraît pas très fréquenté au mois d’août, les cétacés étant plus groupés vers la Provence.
Les dauphins bleus et blancs occupent comme toujours la première place du podium avec 111 observations, et de nombreux nouveau-nés en août. Une paire de dauphins communs sont repérés dans un groupe de Stenella … c’était déjà arrivé en 1992.
La prospection estivale s’arrête un peu plus tôt que d’habitude, vers le 26 août, portant notre effort annuel à 41 journées de mer. Il faut dire que nous avons quelques préparatifs pour notre départ vers la Polynésie, Odile ayant obtenu un poste à l’Université de Tahiti. On vend maison et voitures, mais on garde notre Anacaona !
De 1988 à 1995, ce sont pas moins de 1092 observations de cétacés qui ont été obtenues grâce à 392 journées de mer (dont 107 hors été). Un résultat sans précédent qui change la vision du peuplement de cétacés de Méditerranée occidentale.
C’est bien l’été 1995 qui marque la fin du commencement pour le Groupe de Recherche sur les Cétacés : la petite équipe tourne à plein régime, en possession de tous les moyens techniques nécessaires à la recherche cétologique en mer. Puisque la méthodologie inventée fonctionne bien, il est naturel de l’expérimenter ailleurs … tout en continuant bien sûr à œuvrer en Méditerranée.