Première prospection avec échantillonnage acoustique
1994 voit un tournant dans l’activité scientifique du Groupe de Recherche sur les Cétacés : en effet, l’équipe de Song of the Whale effectue cette année-là des recherches cétologiques en Méditerranée occidentale et choisit le GREC et Tethys comme partenaires régionaux. Nous nous voyons attribuer à cette occasion un hydrophone remorqué bi-voie, qui va nous permettre de nous lancer sérieusement dans le domaine de l’acoustique des cétacés.
De plus, dès la fin de l’hiver, nous recevons en renfort une troisième jeune recrue prénommée Claire. Comme les deux premiers ‘équipiers’, celle-ci nous est livrée par les voies naturelles, à charge pour nous d’assurer sa formation élémentaire de cétologue. Ce qui prendra un peu de temps.
Après une prospection printanière symbolique, le gros du travail est pour l’été, le taf du GREC étant d’explorer les approches Sud de la mer Ligure et le nord de la mer Tyrrhénienne. Avec échantillonnage acoustique tous les 2 milles, bien sûr.
Nous connaissons déjà assez bien la mer Tyrrhénienne, mais cette prospection est l’occasion de compléter les données, la situation pouvant varier d’une année à l’autre. Pour avoir une vue ‘moyenne’, il faut passer plusieurs fois dans les mêmes secteurs.
Les 9 mètres de la petite Anacaona suffisent maintenant à peine pour accueillir des volontaires, néanmoins Daniel, Natacha, Jean-Yves, viendront nous aider dans les prospections de 1994.
En plus des prospections, je mets les bouchées doubles pour assimiler les éléments indispensables d’océanographie, de manière à comprendre ce que l’on voit et … à rédiger une thèse d’écologie. Je trouve un tuteur très compétent et très bienveillant en la personne de Serge Dallot, de l’Observatoire de Villefranche-sur-mer ; de nombreux autres membres de cette institution renommée voudront bien éclairer ma lanterne dans leurs domaines respectifs.
Mais l’activité de terrain continue à rythmer cette année 1994, avec malheureusement des bateaux à filets dérivants plus nombreux et plus gros. Ils opèrent avec insouciance en eaux internationales, sous l’oeil compréhensif de leurs autorités de tutelle. Les filets dépassent généralement 10 km de longueur.
Nous enrageons d’être témoins de ces dégâts écologiques, mais le GREC est trop petit pour agir seul du début à la fin ; il ne peut que contribuer scientifiquement à l’action d’organisations plus notoires, comme RIMMO. C’est quand même le stress à chaque fois que l’on croise un de ces fileyeurs …
La prospection se poursuit par un passage au sud de la Corse au début d’août, avec franchissement rapide des Bouches de Bonifacio. Non sans un ravitaillement à Propriano, où l’on trouve une très bonne charcuterie non loin du port.
Dès le début de la mer Tyrrhénienne, nous sommes heureux de détecter un beau petit groupe de Delphinus, que nous pouvons même enregistrer. Les dauphins communs produisent un genre d’aboiement qui nous surprend.
Egalement au rendez-vous, des rorquals communs: nous commençons à comprendre leur présence, qui est liée à des phénomènes d’upwelling particuliers, liés aux Bouches. Lesquels commencent à être documentés dans des ouvrages spécialisés.
Le retour vers la mer Ligure se fait sans beaucoup d’observations, aussi c’est avec bonheur que nous retrouvons le ‘cœur’ de ce qui tarde à devenir un sanctuaire. A la clef, rorquals et globicéphales (lesquels ne sont pas visibles dans le bassin Tyrrhénien, du moins en été).
Nous pouvons aussi les enregistrer ! Cet été, le centre de la mer Ligure est bien riche en cétacés et nous avons le loisir avant fin août de multiplier les observations. Le bilan sera un total de seulement 136 groupes de cétacés en 1994, pour 1630 milles parcourus en conditions bonnes ou moyennes.
Mais nous avons une bonne consolation car pour la première fois nous observons 7 espèces en une saison: seul ce damné Ziphius manque à l’appel pour compléter le tableau des cétacés ‘communs’ en Méditerranée.
Mal servis par une météo moche, nous ne pouvons effectuer de prospection valable à l’automne : 1994 se solde donc par seulement 42 jours de mer. A noter que l’International Fund for Animal Welfare nous laisse en cadeau le grand hydrophone, chouette. Le vrai mécénat existe, nous l’avons rencontré en 1994 !
Avec l’année 1994, un cycle commence à s’achever pour le GREC : celui des prospections de défrichage associé à la petite Anacaona. Il apparaît que le voilier de 9 mètres ne nous permet plus de progresser en cétologie sur le terrain: il est trop limité pour l’accueil des volontaires (nos enfants sont souvent à bord). Avec en plus le grand hydrophone à remorquer en permanence, dorénavant. Un changement de bateau s’annonce pour 1995… Un second changement, imprévu celui-ci, va également intervenir…