Le cétacé comme acteur économique non rétribué

Parvenue au paroxysme de son développement, la civilisation marchande a inventé la notion de valorisation des services écosystémiques. Dans cette notion réside le nec plus ultra de l’écologie anthropocentrée: une pierre, une plante, un animal est valorisé en fonction du bénéfice économique que peut en tirer l’homme marchand.

Ce paysage ne vaut rien … on peut l’admirer sans débourser un centime … même pas un marchand de glaces à proximité !

Exit la valeur intrinsèque, de même que la beauté, ou même la valeur écologique propre de ‘l’objet’. Sans parler même de son intérêt scientifique. Bienvenue au flux de devises permis par l’existence de cette pierre, cette plante ou cet animal.

Une vraie bande de vauriens : pas un nage-avec ou un w-watcheur à moins de 50 km à la ronde !

C’est à l’aune de cette notion qu’il faut considérer les tout petits efforts de l’Etat français pour réguler l’exploitation commerciale des cétacés: de nos jours, il s’agit des delphinariums, du whale-watching, du nage-avec, de l’éco-tourisme,… ainsi que de leurs produits dérivés.

Déjà mieux : il a fallu un bateau et 100 kg de fuel pour approcher ce Cachalot, d’où une certaine valeur écosystémique !

Pour ce qui est des cétacés sauvages, ces efforts se résument à une ‘Charte de bonne conduite’ applicable aux sanctuaires de mammifères marins, et à un arrêté de protection, dont la plupart des clauses sont inappliquées… voire inapplicables faute de définition claire pour les termes ‘perturbation’, ‘harcèlement’, ‘poursuite’, sans parler évidemment de l’inévitable ‘état de conservation favorable’ !

Mort … mais dans un état de conservation favorable …

Notons bien que lorsqu’une atteinte aux mammifères marins pourrait constituer un délit, comme par exemple une ‘capture’ non intentionnelle mais se produisant systématiquement en grand nombre (comme les captures par pêche), l’Etat prend bien soin de rajouter un alinéa spécifique pour mettre les responsables à l’abri des éventuels dérapages incontrôlés d’un juge un peu sourcilleux.

Très beau service écosystémique pour ce cachalot … Au fait que reçoit-il en échange ?

C’est dans ce contexte d’exploitation des « ressources » marines que s’est épanouie la pratique du ‘nage-avec’ dans des communautés et départements outremer, et en Méditerranée bien sûr.

Cachalot jumping : c’est bingo pour la caisse enregistreuse … mais pas pour le respect d’un espèce protégée

Remarquons que l’Etat, fort occupé par certains cas d’impact au milieu naturel, n’a jamais jugé utile de demander aux opérateurs commerciaux de démontrer l’innocuité de leurs pratiques vis-à-vis des groupes de cétacés exploités commercialement.

Orques au milieu de l’océan: pas de client pour du ‘nage-avec’ ?

Mais notre Etat français s’est jusqu’à présent borné au rôle de spectateur, quand bien même les cétacés sont doublement ou triplement protégés, sur le papier. ‘Je m’en lave les mains’, la formule ne date pas d’hier, mais elle résume bien l’état, aujourd’hui, du dossier ‘nage-avec’ et ‘whale-watching’ en France métropolitaine.

Devant les préoccupations unanimes des scientifiques compétents et impartiaux, existerait-il une volonté de légiférer sur la question du dérangement des cétacés par les opérateurs touristiques ? Le passage à l’acte serait-il repoussé aux calendes grecques ?

Très gros service écosystémique des cétacés du large azuréen, puisqu’il permet l’emploi de deux avions de repérage

Combien  rapporte un dauphin qu’on laisse tranquille? Rien – pire, il peut se nourrir des mêmes proies que le pêcheur! Combien rapporte le même dauphin poursuivi et importuné ? Peut-être des centaines d’euros en saison. Pour l’homme marchand le calcul est vite fait, mais il est à court terme.

Les dauphins côtiers du secteur azuréen suscitent une vraie inquiétude, du fait des pressions anthropiques nombreuses

Les aspects sonnants et trébuchants des services écosystémiques sont-ils également trop séduisants pour des gouvernements qui ne jurent que par la croissance économique ?

Alexandre, Odile, et cetaces.org