Dynamique d’extinction pour un dauphin d’eau douce: le cas du Baiji

La réduction de l’espace vital est une cause fondamentale de la disparition d’une espèce. Mieux comprendre ce mécanisme pourrait permettre des actions de conservation plus efficaces envers les espèces menacées via une bonne gestion des sanctuaires. Toutefois, cette étude est des plus difficiles à mettre en place car elle doit être menée du début du déclin à l’extinction finale, ceci, tout en sachant détecter les espèces qui ont justement à peine commencé à décliner.

Le Baiji
Le Baiji, entre disparition et extinction

Le dauphin du Yangtze ou Baiji (Lipotes vexillifer) est probablement la première espèce de mammifères marins à s’éteindre en moins de 50 ans. Son déclin est, à priori, dû aux prises accidentelles de l’activité halieutique et à l’industrialisation croissante qui a rogné sur l’écosystème du fleuve. Ainsi, nous sommes passés d’environ 400 individus en 1979 à moins de 13 entre 1997 et 1999, pour une complète extinction à l’heure actuelle. Celle-ci ne s’est toutefois pas déroulée par une distribution régulière sur le fleuve. En effet, dès 1957, le dauphin a commencé à déserter certains endroits spécifiques. Désertion qui s’est ensuite étendue sur de plus en plus de sites. Au début du XXIème siècle, il ne restait plus que trois endroits où le Baiji était encore présent.

Ce modèle d’extinction d’espèce a été accepté par une majeure partie de la communauté scientifique et a participé au développement du dernier programme de sauvegarde du Baiji qui a finalement échoué. L’un de ses points faibles est qu’il a été mené principalement sur les derniers lieus de présence du cétacé et non sur la totalité de son habitat initial.

Mais l’étude présente démontre finalement que le déclin de cette espèce n’est peut être pas lié à la réduction de son espace vital. En effet, cette étude a été faite grâce à la mémoire des pêcheurs locaux auxquels plusieurs questions ont été posées en plus de tests d’identifications. Ces informations ont ensuite été recoupées avec diverses études ponctuelles locales (halieutiques, mortalité etc.). Ces recoupements ont prouvé que non seulement la mémoire des pêcheurs est très bonne mais, qu’en plus, ils font très clairement la distinction entre le Baiji et un autre cétacé qu’est le marsouin du Yang-Tsé.

Le but premier de cette étude était d’investiguer sur une potentielle subsistance du Baiji. Le dauphin a été, certes, peu aperçu ces dernières années mais nos informateurs-pêcheurs affirment qu’ils n’ont pas non plus vu le Baiji depuis plusieurs dizaines d’années…

Ceci démontre que les modèles précédents manquent d’exhaustivité et souffrent de plusieurs points d’imprécision comme, par exemple, la non prise en compte des flux migratoires de l’espèce (démontrés par la présente étude). En conclusion, il est pour le moment impossible d’affirmer formellement que le Baiji est encore de ce monde mais il serait tout aussi hasardeux d’affirmer le contraire sur la base des précédentes études.

A considérer que le Baiji bénéficie des mêmes émulations que le monstre du Loch Ness, il ne serait pas étonnant de voir finalement réapparaître un jour le bout de son rostre !

Référence : « Spatial and temporal extinction dynamics in a freshwater cetacean » – Samuel T. Turvey, Leigh A, Barrett, Tom Hart, Ben Collen, Hao Yujiang, Zhang Lei, Zhang Xinqiao, Wang Xianyan, Huang Yadong, Zhou Kaiya and Wang Ding. (Turvey10_baiji extinction)

Copyright: Didier Fusaro et cetaces.org.