La Baleine grise, espèce globe-trotter

Les Baleines grises (Eschrichtius robustus), cantonnées dans le Pacifique Nord depuis 300 ans ne profiteraient-elles pas du réchauffement climatique, pour recoloniser leurs territoires d’antan ?

Ces baleines n’hésitent pas chaque année à entreprendre des migrations de plusieurs milliers de kilomètres entre leurs lieux de reproduction en basse Californie ou au large de la Corée et leurs lieux d’alimentation en Alaska et en Sibérie.
On croyait récemment à la présence de deux populations isolées à l’Est et à l’Ouest du Pacifique Nord. La première récupère de plusieurs années de chasses intensives et a une population évaluée à environ 21 000 individus, alors que la seconde a un effectif estimé à 130 individus en constante diminution.

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Pérégrinations de baleines (Journal of Experimental Biology)

La population atlantique apparemment séparée depuis plus de 5000 ans des stocks du Pacifique a disparu au début du XIXème siècle, victime de la chasse. Cette population se limitait à l’Atlantique Nord, descendant jusqu’en Floride et au sud des Iles Britanniques. Notons que des fossiles plus anciens auraient été retrouvés dans le Languedoc en 1997 (Matthias Macé, 2003), une mention ancienne qui reste à confirmer par des travaux complémentaires toutefois.

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La baleine grise (mâle) vue en Namibie

Récemment, des observations et des études ont à nouveau montré la tendance de cette espèce à voyager loin. Chronologiquement, la première de ces globe-trotteuses a été observée en Méditerranée en 2010, je ne m’y attarderai pas.

L’année suivante, une femelle surnommée Varvara munie d’une balise, a battu le record de migration enregistré pour un mammifère, en réalisant un aller-retour de 22 511 km en 172 jours.

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Les mouvements de l’espèce dans le Pacifique Nord (Journal of Experimental Biology)

En effet, la baleine de 9 ans marquée au large des îles Sakhaline, est allée jusque dans les zones de reproduction de Basse-Californie, au Mexique, et ceci en 69 jours et 10 880 km. Cela démontre la possibilité d’échange entre les deux populations du Pacifique, malgré leurs différences génétiques.

Last but not least, en mai 2013, un jeune mâle est resté un mois dans la baie de Walvis en Namibie (23°53’ S 14° 28’ E).

C’est la première mention de cette espèce dans l’hémisphère Sud. La route suivie par cet égaré est inconnue, bien que le passage Nord-Ouest soit privilégié, ce qui priverait cet intrépide voyageur du titre de première baleine grise cap-hornière.

Copyright: Gilles Boyer et cetaces.org

Sources :
Elwen S.H., T. Gridley, 2013. Gray whale (Eschrichtius robustus) sighting in Namibia (SE Atlantic) – first record for Southern Hemisphere. http://www.namibiandolphinproject.com/p-content/uploads/2013/06/Elwen-Gridley_Gray-whale-in-Namibia-20130610.pdf

Macé M., 2003. Did the Gray whale, Eschrichtius robustus, calve in the Mediterranean ? Lattara 16: 153-164.

Mate B.R., Yu. Ilyashenko, A.L. Bradford, V.V. Vertyankin, G.A. Tsidulko, V.V. Rozhnov, M. Irvine, 2015. Critically endangered western gray whales migrate to the eastern North Pacific. Biology Letters 11(4): DOI: 10.1098/rsbl.2015.0071.