Les Marsouins de la mer du Nord

Il y a 25 ans, observer un marsouin (Phocoena phocoena) dans les eaux territoriales belges était un phénomène rare. Aujourd’hui, il est beaucoup plus commun: entre 5 000 et 10 000 individus circuleraient dans ces eaux du sud de la mer du Nord.

Effectivement, les marsouins étaient surtout présents bien plus au nord, du côté de l’Écosse, où se trouvaient ses proies favorites : de petits poissons en bancs comme le hareng, ou vivant près du fond, comme les Gobiidae et les Ammodytidae. Mais ces proies ont fini par se raréfier dans de nombreux endroits, en raison de la surpêche bien sûr, mais aussi d’autres phénomènes.

Souvent vu en tout petits groupes, le Marsouin commun semble toujours chercher des proies

Et de la nourriture, le Phocoena phocoena en a besoin ! En effet, ce cétacé de petite taille (en moyenne 1,50 m) évolue dans un milieu relativement froid. Il perd donc toujours beaucoup d’énergie et doit alors compenser cette dépense par une grande consommation de nourriture sous peine de mourir de froid et d’inanition. Le marsouin est ainsi le cétacé le plus rencontré en mer du Nord … Malheureusement, cet écosystème est mis sous pression par les activités humaines intensives : navigation, aquaculture, parc éoliens, extraction de sables et de graviers, extraction de pétrole et de gaz, tourisme, etc.

« La mer du Nord est entourée dans son intégralité de pays densément peuplés et très industrialisés. […] La partie belge de la mer du Nord subit clairement l’influence de toutes ces activités humaines. Mais sachant que l’on ne peut négliger les activités humaines dans la gestion de la mer du Nord, il nous faut trouver le bon équilibre entre ces activités et la protection du milieu marin » précise l’UGMM1.

Si les échouages prouvent que la population est nombreuse, ils signalent aussi la mortalité anthropique

Le nombre d’échouages de marsouins est de plus en plus important : en 1990, un ou deux échouages annuels seulement étaient signalés, contre 129 en 20141. Selon Thierry Jauniaux, vétérinaire au département de morphologie et pathologie de l’ULg2, cette augmentation est en partie due à un phénomène de courantologie de surface, qui pousse les animaux morts sur les côtes belges et du nord de la France.

Mais il y a bien sûr et surtout une modification des causes de mortalité : les filets de pêche principalement, les nouvelles maladies, le manque de nourriture disponible, et plus étonnant, la prédation. Car le Phocoena n’est pas le seul à avoir dû opérer un changement d’habitat. Le phoque gris a connu à peu près la même histoire, et leur cohabitation ne se passe pas toujours bien dans cet espace restreint. La raréfaction des proies peut rendre le phoque gris agressif, et celui-ci s’attaque de temps à autre au marsouin.

Un jeune marsouin énergique au crépuscule

Hausse des mortalités, déplacement des populations, modification des couloirs migratoires, disparition des espèces, apparition de nouveaux prédateurs, l’activité humaine a un impact direct ou indirect sur la faune de toute la planète. A nous d’en tenir compte maintenant…

Copyright: Nadège Pineau et cetaces.org

(1) Unité de Gestion du Modèle Mathématique de la Mer du Nord
(2) Université de Liège (Belgique)