Les Marsouins, ces Caliméros marins

Il ne fait pas bon traîner en mer et être un marsouin ces derniers temps !!! Ces petits cétacés sont mal lotis et mal traités par leurs voisins : En effet, il est bien connu depuis quelques années que les marsouins ne font pas le poids face aux grands dauphins ! Pour preuve, des attaques de grands dauphins sur marsouins communs ont notamment été observées entre 2007 et 2009 en Baie de Monterey – Californie, USA – par une équipe de chercheurs (Cotter et al., 2012).

Leur étude porte sur deux aspects différents pour aboutir à des telles conclusions. Dans un premier temps, ils ont étudié les données d’échouage disponibles entre 2007 et 2009, sur une zone de 450 km, où grands dauphins et marsouins cohabitent. Il en est ressorti que, sur 125 marsouins échoués, 44 (35%) présentaient des traces d’attaques de grands dauphins ! Ces marsouins ont été identifiés grâce à des blessures bilatérales caractéristiques provoquées par des attaques : fractures des côtes, de la colonne vertébrale et/ou du crâne, lésions au niveau des omoplates, des poumons et des tympans, lacération des tissus, ainsi que des contusions (Figure 1).

Figure 1 : exemple de blessures prodiguées par des grands dauphins sur des marsouins échoués (Extrait de Cotter et al., 2012).
Figure 1 : exemple de blessures prodiguées par des grands dauphins sur des marsouins échoués (Extrait de Cotter et al., 2012).

Ils ont également pu observer directement trois interactions agressives lors de leurs prospections en mer, dont une ayant abouti à la mort du marsouin impliqué dans l’attaque. Grâce à ces observations, ils ont pu décrire quatre types d’évènements agressifs des grands dauphins envers un marsouin (Figure 2) : la prise en sandwich (deux grands dauphins pressent le marsouin de part et d’autre de manière énergique jusqu’à le soulever hors de l’eau provoquant ainsi des hématomes bilatéraux voir des fractures des côtes) ; la noyade (un grand dauphin saute sur le marsouin pour le couler ;  le marsouin se fatigue et respire mal) ; le lancer (le marsouin est projeté hors de l’eau par des mouvements de frappe violents du grand dauphin) ; la charge (un ou plusieurs grands dauphins frappent le marsouin à plusieurs reprises et de façon très rapide à la manière d’une charge de bélier).

Figure 2 : Images illustrant une des attaques observées. a : la prise en «sandwich» ; b : la noyade ; c : le lancer ;d : la charge (Extrait de Cotter et al., 2012).
Figure 2 : Images illustrant une des attaques observées. a : la prise en «sandwich» ; b : la noyade ; c : le lancer ; d : la charge (Extrait de Cotter et al., 2012).

Plus récemment encore, des cadavres de marsouins présentant des plaies particulières ont été observés sur les côtes belges (Haelters et al., 2012). Ces individus échoués ont attiré l’attention des scientifiques car ils présentaient de larges entailles dans la peau et le lard, plaies plus qu’inhabituelles (Figure 3) !!

Figure 3 : Exemple de lésions observées sur un des 2 cadavres de marsouins communs échoués sur les côtes belges. (Extrait de Healters et al., 2012).
Figure 3 : Exemple de lésions observées sur un des deux cadavres de marsouins communs échoués sur les côtes belges. (Extrait de Healters et al., 2012).

Grâce à l’étude de ces lésions ils ont pu exclure bon nombre d’agresseurs potentiels marins, comme les grands dauphins, les orques, ou encore terrestres (hypothèses de cadavres mutilés après échouage) comme les chiens, les renards, etc.. qui ne pouvaient infliger ce type de morsures. L’animal sauvage le plus susceptible d’être à l’origine ce type de blessures serait donc, selon les auteurs de l’article, … le phoque gris !

Reste à comprendre la ou les causes de ces agressions. Dans le cas d’attaque de grands dauphins sur des marsouins communs, l’hypothèse de compétitivités territoriales et alimentaires est écartée car ces deux espèces ne présentent pas strictement la même répartition géographique et les mêmes stratégies alimentaires. Les auteurs émettent l’hypothèse que ces attaques pourraient en fait être un jeu pour « l’entraînement » aux techniques d’attaques sur les jeunes ou entre les individus mâles. Dans le cas des attaques de phoques gris il est possible que ce dernier s’attaque aux marsouins communs, soit par pure prédation, et se nourrirait alors du lard de marsouin, soit pour cause de compétition alimentaire.

D’autres cas d’attaques ont été observés à travers le monde sur les marsouins communs, qui sont, comme diraient certains, de vrais Caliméros de la mer !!!

Bibliographie

Cotter M.P., D. Maldini and T.A. Jefferson, 2012. Porpicide in California : Killing of harbor porpoises (Phocoena phocoena) by coastal bottlenose dolphins (Tursiops truncatus). Marine Mammal Science, 28(1) : E1-E15 (January 2012).

Healters J., F. Kerckhof, T. Jauniaux and S. Degraer, 2012. The Grey Seal (Halichoerus grypus) as a Predator of Harbour Porpoises (Phocoena phocoena)? Aquatic Mammals 2012, 38(4), 343-353.

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