A/ Température mondiale: Où en sommes nous ?

Histoire du climat récent

Actuellement, à l’échelle des temps préhistoriques récents, la Terre a achevé son réchauffement post-glaciaire: il faisait très froid il y a 20 000 années, en moyenne 4-6 °C de moins qu’aujourd’hui. Depuis environ 6-8000 ans, les fluctuations sont faibles en plus chaud ou plus froid, avec une tendance à une légère baisse après un « maximum inter-glaciaire ».

Température sur 150 000 ans
Graphe du CO2 et de la température (par rapport à l’actuelle) sur les derniers 160 000 ans.

Pour comprendre l’ensemble du problème, il faut savoir que depuis deux millions d’années, les fluctuations climatiques sont essentiellement dues à des facteurs orbitaux et à leurs conséquences aérologiques. Au cours du dernier million d’années, la succession de périodes glaciaires et inter-glaciaires a une périodicité de 100 000 ans environ, sous l’effet des trois cycles de Milankowitch. Ce sont les variations prévisibles à long terme de la position de la Terre autour du Soleil qui génèrent ces glaciations et déglaciations périodiques. Coïncidence ou pas, l’essentiel de l’évolution de l’espèce humaine actuelle, Homo sapiens sapiens, s’est faite en même temps qu’un refroidissement irrégulier du climat, jusqu’à cette glaciation d’il y a 20 000 ans.

Température sur 20 000 ans
Graphes des températures sur les 18 derniers millénaires.

Pendant l’époque récente, on a eu un « petit âge glaciaire » après le  Moyen Age. Depuis le milieu des années 1800, on observe un réchauffement global, et depuis une cinquantaine d’années, on s’est aperçu que le phénomène était corrélé avec une augmentation de 30% du taux de dioxyde de carbone (CO2) contenu dans l’air à basse altitude.

Température sur 200 ans
Graphes des températures et du CO2 sur les deux derniers siècles.

Sans l’effet de serre dû à la civilisation humaine, la température globale serait appelée à plafonner puis à diminuer au cours des prochains millénaires. Mais ce n’est pas ce que l’on observe …

Les gaz à effet de serre

Les gaz à effet de serre (GES) renvoient vers le sol les rayons infra-rouges produits sur la surface de la Terre par l’illumination solaire. Dans l’atmosphère, de nombreuses sortes de gaz ont cet effet: parmi les pires, il y a les célèbres CFC (gaz caloporteurs des anciens frigos).

Mais il y a aussi les dioxydes d’azote produits par la combustion dans les moteurs (surtout diesel) et centrales thermiques (contribution à l’effet de serre 3 x 10-3 W/m2 / ppm) – ppm signifie « partie par milliard ». Cela veut dire que chaque ppm de NO2 en plus dans la basse atmosphère conduit à un réchauffement d’une puissance de 3000 W par km2 (un convecteur électrique).

Il y a le méthane (CH4) produit par la fermentation des végétaux, et les pets des ruminants, dont la puissance réchauffante est de 370 W par km2 pour chaque ppm en plus (4 ampoules d’éclairage à incandescence).

Et il y a le dioxyde de carbone (CO2) dont la puissance réchauffante est seulement de 14 W par km2 pour chaque ppm additionnel dans l’atmosphère. Mais l’humanité en produit des quantités astronomiques.

La combustion d’une tonne de charbon produit de 3 tonnes de CO2, celle d’une tonne de pétrole produit plus 2 tonnes de CO2. A chaque fois que l’on fait un plein d’essence de 60 litres, on  produit ainsi plus de 100 kg de dioxyde de carbone (en gros).

B/ La planète brûle … Oui, mais quoi au juste?

Dans le monde, il y a près d’un milliard de voitures qui consomment le pétrole, l’énergie consommée est convertie en chaleur plus ou moins directement, et le CO2 et le NO2 produits augmentent l’effet de serre. La majeure partie de l’électricité utilisée est produite par des centrales thermiques classiques qui marchent au charbon ou au fuel. Là aussi toute cette énergie est convertie en chaleur et en gaza à effet de serre.

La civilisation industrielle transforme la Terre en une serre, qui se réchauffe inexorablement.

Le pétrole

On met l’accent sur le pétrole. Les quantités de pétrole sont souvent exprimées en barrils (159 litres), mais l’emploi de cette unité peut générer de la confusion, on parlera ici en tonnes. Les réserves mondiales prouvées sont environ de 1,26 .1012 barrils ou encore 180 milliards de tonnes de pétrole brut (en prenant une densité de 0,9) (chiffre n’incluant pas les hydrocarbures non conventionnels ou de schiste).

La consommation journalière mondiale en 2007 est de 78 millions de barrils ou encore 11 millions de tonnes par jour (12,4 en 2011 selon une autre source), soit 4 milliards de tonnes par an (4,3 milliards selon une autre source). Ces quantités sont énormes.

Entre 1859 et 1968, la consommation mondiale de pétrole brut est évaluée à 29 milliards de tonnes (200 milliards de barrils). Pour référence, (figure), la consommation mondiale en 1940  a été de 300 millions de tonnes.

Conso de pétrole
Evolution de la consommation mondiale de pétrole depuis 1900.

On consomme actuellement environ 14 fois plus de pétrole qu’en 1940 et 2 fois plus qu’en 1970. Les responsables de cette consommation sont en premier lieu les USA (20%), la Chine (11%) et le Japon (5%). Les quatre grands pays industriels d’Europe sont responsables de 2% chacun environ (plus pour l’Allemagne, moins pour l’Italie). Pour la France, le pétrole représente environ 32% de l’énergie totale consommée, qui est à peu près stable depuis 2000 à environ 260 millions de tonnes équivalent pétrole. Il y a peu environ 37 millions de véhicules 4 roues en France, chiffre à peu près stable. Les parcs automobiles chinois et indiens sont en très forte croissance annuelle.

Carburants en France
Consommation de carburants en France depuis 1994: une simple stabilisation ?

Au rythme actuel, l’humanité aura grillé les réserves prouvées en à peu près 50 ans. Mais, la combustion de ces réserves représente 6 fois ce qui a été brûlé jusqu’en 1968, d’où les immenses quantité de CO2 encore à relâcher dans l’atmosphère, ce qui fera plus que tripler le taux actuellement présent !

Le charbon

On oublie trop souvent le charbon, moteur de la première révolution industrielle en Europe, qui représente une proportion très importante de la consommation énergétique dans certains pays industriels (Chine, Allemagne, ..). Les réserves mondiales de charbon sont évaluées à 826 milliards de tonnes, et on en consomme environ 6,8 milliards de tonnes annuellement.

En 1800 on consommait environ 11 millions de tonnes de charbon, contre 4,25 milliards de tonnes en 2005. En 1965, on consommait environ 1,5 milliards de tonnes de charbon (en équivalent pétrole), et en 2010 cette consommation annuelle était de 3,6 milliards de tonnes équivalent-pétrole, en augmentation régulière, mais moindre que la croissance observée au 19ème siècle (4,3% an).

Il faut savoir que pour la combustion d’une tonne de charbon génère 1,3 fois plus de CO2 que celle d’une tonne de pétrole, et 1,7 fois plus que celle d’une tonne de gaz naturel. De plus, de multiples éléments polluants sont émis dans l’atmosphère quand on brûle du charbon (notamment du soufre).

La Chine (40% du total) et  l’Inde, sont les plus gros consommateurs de charbon dans le monde, avec une très forte croissance. La croissance de consommation du charbon est clairement associée à la croissance économique de ces deux pays depuis 2000.

Consommation mondiale de charbon
Evolution de la consommation mondiale de charbon depuis 1965.

Avec la consommation actuelle, l’humanité peut brûler du charbon encore pendant environ 200 années.

Le gaz

Troisième source fossile, le gaz naturel représente 23% de la consommation humaine, c’est cette matière qui subit la plus forte croissance annuelle. Les réserves mondiales sont estimées à 185 000 milliards de m3, et la production actuelle est de 2 763 milliards de m3, ou environ 2,5 milliards de tonnes annuellement (équivalent pétrole).

La consommation en 1970 était de 1000 milliards de m3, et après 2007 on a passé le seuil des 3 000 milliards de m3 annuels. A ce rythme, l’humanité peut brûler du gaz pendant 60 années, sans compter les gaz de schiste, dits non conventionnels.

Au total, la consommation mondiale d’hydrocarbures est en croissance constante et rapide, et toutes les prévisions des économistes et des spécialistes de l’énergie indiquent que cela va continuer. Les très rares pays, comme la France, dans lesquels on observe une simple stabilisation de la consommation d’hydrocarbures, sont contrebalancés par les pays comme les USA ou la Canada, où les mesures d’économie ne sont pas considérées sérieusement et où l’on pousse au contraire la production d’hydrocarbures de schiste, et aussi par les grands pays émergents (Chine, Inde, …) qui sont pris d’une boulimie de consommation.

En attendant une hypothétique inversion de tendance, il faut donc arrêter de rêver et considérer les prévisions d’évolution du climat en prenant en compte une augmentation rapide de la concentration en GES.

C/ Température mondiale : Où va-t-on ?

Des scénarios

En matière de prévision, les experts du GIEC se fondent sur différents scénarios d’évolution de la concentration des GES dans l’atmosphère. L’évidence actuelle est que la concentration en GES va continuer à augmenter rapidement, comme elle l’a fait de 1970 à 2004 (50 milliards de tonnes). 60% des émissions de GES d’origine humaine sont des CO2, émis surtout par la combustion d’énergie fossile, mais il faut noter que 17% proviennent de la déforestation, ce qui n’est pas négligeable.

Emissions des GES
Emissions mondiales annuelles en milliards de tonnes équivalent CO2 (GIEC 2007)

Toujours d’après le GIEC, les GES proviennent de six secteurs majeurs de l’activité humaine: la production d’énergie (26%), l’industrie (19%), l’industrie forestière (17%), l’agriculture et les transports (13% chacun), et la construction de bâtiments (8%).

Le GIEC a élaboré quatre familles de scénarios sur l’évolution future des émissions de GES, en fonction de l’évolution démographique, de la croissance économique, et des progrès technologiques: elles sont nommées A1,A2, B1, B2. Le scénario A1 est celui d’une croissance forte de l’activité, et d’une croissance démographique culminant en 2050, avec des progrès technologiques rapides.

L’examen que nous avons fait des tendances de consommation de combustibles fossiles dans les 10 dernières années, et les faits marquants en matière de recherche de nouvelles ressources fossiles (forages profonds en mer, hydrocarbures de schiste, recherches en Arctique, nouvelles mines de charbon), nous suggèrent que nous nous trouvons dans la variante A1-Fl de ce scénario, c’est-à-dire une utilisation intensive de combustibles fossiles pour alimenter une croissance économique forte.

Les scénarions d'émissions de GES
Principaux scénarios pour l’évolution des émissions de GES (GIEC 2007)

Et l’augmentation de température sera de …?

L’augmentation de température globale sera probablement autour de 4°C (certainement entre 2,4 et 6,4°C), sauf si un effet rapide et important n’a pas été prévu dans les modèles du GIEC. Les changements prévus pour la dernière décennie du siècle, outre celui de la température, touchent les pluies, les régimes de vent, la couverture de glace dans les zones polaires, et le niveau moyen des mers (45 cm de plus en moyenne).

Prévision du réchauffement
Prévision de réchauffement avec un scénario de type A2 (GIEC 2007).

En 2090, nos enfants seront grands-parents et ils vivront dans un monde où la température aura augmenté en moyenne de 4°C, mais jusqu’à 7°C dans la zone arctique. En été la pluviométrie aura baissé de plus de 20% sur l’Europe de l’ouest. Certaines zones continentales d’Amérique, d’Afrique et d’Asie seront très réchauffées.

Au delà de 2100, les effets de montée du niveau de la mer s’amplifieront avec le réchauffement progressif des mers (qui se fait avec beaucoup d’inertie), et la fonte progressive de la calotte glaciaire du Groenland.

Impact sur l’écosystème européen et méditerranéen

Il y aura de plus forts contrastes entre le nord et le sud, la région méditerranéenne souffrira de sécheresse (manque d’eau), de canicule. Les conséquences pour les populations humaines seront variées et dépendront surtout de leur niveau de richesse et des mesures de protection qui seront prises au niveau local.

Il y aura disparition locale de beaucoup d’espèces végétales et un déplacement vers le nord d’espèces animales. Plus généralement une extinction probable de 40 à 70% des espèces mondiales est prévue par les modèles, pour un réchauffement de l’ordre de celui qui est en cours.

Rorqual commun 2012 Adrien
Un rorqual commun vu au centre de la mer Ligure: ce sera fini à la fin du siècle

Le réchauffement progressif des eaux profondes des mers, changera le fonctionnement des écosystèmes marins. Pour une mer cloisonnée comme la Méditerranée, cela signifie la disparition de certaines espèces, car elle n’auront pas la possibilité d’aller chercher à manger plus au nord, comme elles pourront le faire en Atlantique.

Il y a fort à parier que le rorqual commun disparaîtra de Méditerranée, en raison des perturbations engendrées sur sa proie favorite, le krill nordique. Mais le réchauffement des eaux de surface pourrait également toucher les populations de dauphins, en raison de phénomènes d’hyperthermie qui pourrait les toucher: certaines espèces tempérées pourront céder la place à des espèces sub-tropicales.

Dauphin bleu et blanc le soir
Dauphins bleus et blancs en chasse: gare à l’hyperthermie estivale

D/ Conclusion

Une série de conseils, si c’est cette situation que nous voulons pour nos petits enfants:

laissons-nous bercer par de belles paroles sur les efforts collectifs indispensables qui seront faits bientôt, plus tard, et sur la nécessité de nos petits gestes citoyens, si importants pour préserver l’avenir (attention surtout à bien rincer le pot de yaourt avant de le mettre dans le bon bac à déchets),

– préférons l’illusion diffusée dans les médias vendus aux puissances économiques, à la réalité visible avec nos propres yeux ou sur des documents scientifiques,

ne regardons pas tout ce qui se dégrade dans la nature, mais guettons plutôt l’apparition de la prochaine génération de téléphone portable, ou les nouvelles voitures rutilantes,

– ne nous refusons pas l’envie de briller en société grâce à un 4×4 de 200 chevaux, après tout on a bien le droit de dépenser son argent comme on veut,

ne nous formalisons pas contre les milliardaires qui ont des yachts de 100 mètres climatisés et des hélicoptères ou jets personnels pour le moindre de leurs déplacements: ils ont tellement de mérite à gagner tout cet argent, ils ont bien le droit de brûler tout ce pétrole,

– une petite envie d’oublier un peu l’hiver long et pluvieux ? Allez, rien de tel que 4 ou 5 jours aux Maldives, avec en plus un bronzage épatant à la clef !

– les enfants sont trop bruyants le soir? Mais oui, c’est un écran à plasma de 2 mètres carrés dans leur chambre qui remédiera à tout ça!

– continuons à laisser nos politiques faire comme d’habitude, c’est-à-dire à se préoccuper de leurs copains dans le monde du business, et de leur réélection,

ne nous préoccupons pas de ces questions climatiques qui nous dépassent, on a tant à faire à régler nos problèmes de tous les jours,

A propos, chaque humain produit en moyenne dix tonnes de CO2 par an (à la louche), en partant du petit berger éthiopien (pour lui ce sera peut-être 50 kg) jusqu’au milliardaire texan ou chinois (pour eux ce sera plutôt 10000 tonnes). Combien en avez-vous produit en 2012 ?

ON S’EST LAISSE BERNER PENDANT 20 ANS, LE RECHAUFFEMENT VA ETRE IMPORTANT.

MAIS IL EST SANS DOUTE ENCORE TEMPS D’EVITER LA CATASTROPHE.

Alexandre Gannier