Evidence d’une population côtière de dauphins océaniques

Un dauphin océanique près des côtes : c’est en Méditerranée française

Le Dauphin bleu et blanc Stenella coeruleoalba est historiquement présent dans les eaux proches du littoral azuréen depuis au moins un siècle, et sans doute beaucoup plus. Opportuniste au niveau de son régime alimentaire, il s’accommode de toutes sortes de proies pélagiques, ce qui explique qu’il soit présent dans les eaux profondes même quand elles sont à 2 kilomètres du rivage.

Echantillons de contenus stomacaux observés pendant des examens pour le Réseau National des Echouages (becs de calmars, restes de crevette et de poisson)

Les observations scientifiques de cette espèce dans la région remontent aux années 70 (travaux de Denise Viale et de son équipe) même si des confusions possibles avec le Dauphin commun obscurcissent parfois l’image de la présence passée du dauphin Stenella dans les eaux côtières.

Dans les années cinquante, des organismes cherchaient à capturer des dauphins bleus et blancs pour les étudier en captivité (photo Maurice Jaubert)

Le Groupe de Recherche sur les Cétacés a pour sa part commencé à étudier les dauphins bleus et blancs de la région d’Antibes à la fin des années 80, parvenant à une description scientifique de son utilisation de l’habitat local : les Stenella se rapprochent de la côte en début de soirée, pour se nourrir durant la nuit, et rejoindre une zone un peu plus au large en fin de matinée. Ces déplacements sont liés à leur cycle d’activité avec un nourrissage à prédominance nocturne (lien pdf)

Activité stéréotypée encore parfois observée aujourd’hui : le groupe de Stenella se retire vers le large après avoir chassé en fond de baie pendant la nuit

En peu de temps, nous avons également confirmé que les Stenella habitaient la région en permanence, contrairement à une majorité de la population du large qui quittait le nord en hiver (lien pdf). Cette résidence fut également mise en évidence par des travaux de photo-identification menés au début des années 2000.

Le dauphin bleu et blanc se prête à l’étude par photo-identification, mais c’est un peu difficile

A cette même époque, l’état de la population azuréenne de dauphins bleus et blancs semblait stable, ou même en amélioration en raison de l’arrêt de la pêche au filet dérivant. Mais on pouvait déjà observer une croissance du trafic de moto-plaisance et un allongement de la saison touristique, en même temps qu’une augmentation de la taille des bateaux.

A partir de l’an 2000, l’habitat côtier des Stenella a été progressivement envahi par des bateaux de plaisance de plus en plus nombreux et de plus en plus gros

La décennie 2005-2015 vit s’emballer le trafic de plaisance, tandis qu’une exploitation touristique des dauphins incluant le nage-avec, d’abord embryonnaire, se développa rapidement jusqu’à devenir un facteur de pression important  pour les cétacés.

Eté 2002 : il est encore possible pour les dauphins d’évoluer en toute quiétude à 2 milles du cap d’Antibes

Face à cette fréquentation de leur habitat, on pouvait anticiper une dégradation de la situation de ces dauphins côtiers: de nombreux exemples similaires à l’étranger illustrent un lien de cause à effet. Cette dégradation ne tarda pas à prendre forme, avec en premier lieu un affaiblissement de la présence des dauphins près des côtes au profit de la zone plus au large.

Des données bien collectées et bien archivées depuis 1988 permettent au Groupe de Recherche sur les Cétacés de remonter le temps (ici, échantillons de l’été 1993)

En France, c’était la première fois que des données nombreuses permettaient d’étudier un phénomène de dégradation d’un tel habitat de dauphins : une étude dédiée du cas des ‘Stenella azuréens’ fut lancée grâce à l’appui du Sanctuaire Pelagos.

Le premier constat : depuis 1989-2002, l’abondance relative a baissé dans le secteur côtier et augmenté au large

Elle allait permettre de mieux caractériser le phénomène de mise en danger de la population de dauphins de la région d’Antibes.