Les différents effets des ondes sonores

Mis en présence de sons intenses, les cétacés peuvent subir différentes conséquences qui dépendent de la fréquence des ondes, de l’intensité propagée, et de la durée d’exposition. Le contexte de l’exposition est un paramètre souvent négligé mais qui peut aussi avoir son importance.

Les conséquences des ondes sonores sur les cétacés sont évaluées sur une échelle de gravité comportant 5 plages, allant de la simple perception (sans dérangement) jusqu’à la mort. Ces conséquences sont étudiés au travers d’expériences menées en bassin ou en milieu naturel, ou lors d’événements observés in situ sur différentes familles de cétacés.

Si les niveaux sonores reçus sont extrêmement intenses (zone Z1 ci-dessous), les cétacés peuvent être tués, par une lésion traumatique aigüe, ou subir une lésion permanente à leur appareil auditif.

Si les niveaux perçus sont très intenses (zone Z2 ci-dessous), les cétacés subissent une lésion temporaire à leur appareil auditif, qui mettra des heures ou des jours à se résorber.

Si les niveaux perçus sont intenses (zone Z3 ci-dessous), les cétacés sont obliger de fuir, parfois avec panique, pour échapper à la pollution sonore.

Si les niveaux perçus sont assez intenses (zone Z4 ci-dessous), les cétacés sont dérangés et interrompent leur activité du moment (la prédation, ou le repos, par exemple).

Pour des niveaux perçus modérés (zone Z5 ci-dessous), les cétacés perçoivent le bruit mais continuent leurs activités.

Zones d'impact des ondes sonores
Zones d’impact des ondes sonores, avec une gravité croissante plus près de la source. Le croquis n’est pas à l’échelle !

Les effets des ondes sonores dérivent des niveaux sonores reçus, eux-mêmes dépendant directement du niveau de source et des pertes par propagation entre la source et le cétacé, ou bien des niveaux perçus, c’est-à-dire des sons effectivement entendus par les cétacés, niveaux égaux à l’écart entre les niveaux reçus et le seuil d’audition des cétacés.

Notion de niveau reçu et de niveau perçu
Notion de niveau reçu et de niveau perçu avec un audiogramme de dauphin

Le seuil d’audition des cétacés est extrêmement variable selon la fréquence, et chaque espèce possède sa courbe de sensibilité, l’audiogramme. Au mieux, la sensibilité auditive d’un cétacé est égale à environ 40 dB (re 1 microPa), mais pour des fréquences plus basses ou plus fortes la sensibilité auditive est beaucoup moins bonne (100 dB ou plus).

Les effets auditifs, comme la surdité temporaire (TTS) ou définitive (PTS), dépendent également des niveaux perçus, ainsi que de la durée d’exposition. Par conséquent, la prévision des effets des ondes sonores nécessite la connaissance des audiogrammes des espèces, ce qui est loin d’être acquis. Si le cétacé est victime d’une surdité prolongée ou permanente, son pronostic vital est engagé à court ou long terme, car la perception des sons de l’environnement est indispensable à la vie de ces espèces au sein du milieu marin.

Tête de ziphius
Plusieurs organes vulnérables se trouvent dans la tête (ici un ziphius)

Les effets physiologiques des ondes sonores intenses touchent différents organes, par l’intermédiaire de plusieurs mécanismes pas tous bien connus. Ces effets physiologiques non auditifs dépendent des niveaux sonores reçus. Les ondes sonores de plus de 200 dB reçu peuvent entraîner la résonance d’organes, comme les mandibules ou les oreilles moyennes, ou bien la résonance de cavités aériennes telles que les poumons ou des sinus. Des résonances de forte amplitude causent des lésions d’une gravité variable.

Bulles de gaz observées dans une veine cardiaque lors de l’échouage d’Almeria en 2006

Lorsque les tissus des cétacés sont sursaturés en azote à la suite de plongées profondes et prolongées, les ondes sonores intenses de plus de 180 dB reçu ont tendance à provoquer une diffusion gazeuse de l’azote dans le sang: les microbulles de gaz augmentent en diamètre. Ce mécanisme conduit à des embolies gazeuses et graisseuses aux conséquences léthales. Lors d’échouages accidentels de ziphiidés, ce mécanisme a été plusieurs fois mis en évidence par des pathologistes.

Cachalot sautant
A la réception d’un son trop intense, un cachalot peut sauter

Les ondes sonores ont des effets comportementaux (dérangement, interruption d’activité, fuite, panique) qui dépendent des niveaux perçus. Selon le contexte, des niveaux perçus qui n’ont pas une intensité extrêmement forte peuvent avoir des conséquences fatales. Par exemple, on a observé que des groupes de dauphins pouvaient s’éloigner des sonars puissants, mais se retrouver dans une baie refermée, soumis à un risque d’échouage. Ou bien, des dauphins isolés de leur groupe (nourrissons) et incapables de fuir dans une bonne direction peuvent alors être soumis à des niveaux extrêmement forts qui entraînent leur mort.

Dauphin de Risso et bébé: vulnérabilité augmentée
Contexte « Dauphin de Risso et bébé »: la vulnérabilité aux sons intenses est augmentée

Lors d’exercices ASM mettant en oeuvre des sonars à basse ou moyenne fréquence de forte puissance, les cétacés sont exposés à l’ensemble des conséquences exposées ci-dessus. Si la planification ou l’exécution des émissions sonores ne tiennent pas compte de la présence et de la biologie des cétacés, des conséquences sévères sont à prévoir. Il y a de multiples cas d’accidents graves causés par les manoeuvres navales.

Ziphius échoué à Corfou
Ziphius échoué à Corfou en 2011: accident certainement dû à une mauvaise prise en compte du risque, lors d’un exercice sonar

Lors de prospections sismiques pétrolières, les cétacés sont soumis pendant des jours ou des semaines à des fortes intensités à basse et très basse fréquence. Ils développent des réactions d’évasion et peuvent dans certains cas subir des lésions irréversibles.