Dauphins : leurs sifflements sont ‘régionaux’

Les répertoires de sifflements révèlent l’identité d’une population

On sait depuis longtemps que les sifflements des dauphins peuvent servir à identifier les différentes espèces avec un bon niveau de confiance : Grand dauphin, Dauphin bleu et blanc, Dauphin de Risso et Globicéphale ont des répertoires de sifflements distincts sur le plan des fréquences et des durées, ou de leurs modulations. Ainsi, grossièrement, plus gros est le dauphin, moins aigus sont ses sifflements. Concernant des espèces de même taille, comme le Dauphin commun, le Dauphin bleu et blanc, le Dauphin tacheté, …, la discrimination de l’espèce est plus incertaine, et fait appel à un plus grand ensemble de paramètres.

Plus gros que le Dauphin bleu et blanc, le Grand dauphin a tendance à émettre des sifflements moins aigus

Plus récemment, plusieurs études ont montré que les différences de répertoire pour une même espèce étaient importantes si les populations habitaient des régions éloignées, au point même d’empêcher l’identification de l’espèce si l’on ne disposait pas de données sur son répertoire local. Logique : les dauphins habitant à plusieurs milliers de kilomètres de distance communiquent grâce à des répertoires apparus séparément, même si c’est à partir de caractères physiologiques identiques. Les répertoires sont plus ou moins spécifiques aux différentes régions océaniques, de même que certains caractères génétiques divergent.

Le Dauphin bleu et blanc est présent dans les trois océans et en Méditerranée

Pour les humains, les différentes populations d’une espèce constituent des ‘unités de conservation’ qui doivent en principe être ‘gérées’ séparément sur le plan de leur protection face aux agressions … humaines. Ainsi, la population nord-méditerranéenne de Dauphin bleu et blanc forme-t-elle évidemment une ‘unité de conservation’ distincte de la population du golfe de Gascogne : même extrêmement mobiles, les dauphins ne parcourent pas les 3000 kilomètres de mer qui séparent ces régions, et s’ils le font, c’est rarement et en très petit nombre.

Ce Dauphin bleu et blanc de Gascogne a un répertoire différent de ses congénères provençaux !

Dans la réalité du monde d’aujourd’hui, les études génétiques permettant la différenciation des populations sont rarement réalisées car elles coûtent cher ou ne sont pas jugées prioritaires par les financeurs, qui se focalisent sur des sujets ‘pratiques’, comme par exemple les captures accidentelles par pêche. Les études acoustiques permettent dans une certaine mesure de répondre aux questions sur les ‘unités de population’, c’est ce que montrent une douzaine de scientifiques, dont l’auteur de ces lignes, avec le leadership d’Elena Papale, bioacousticienne spécialiste des cétacés.

Une publication qui ouvre de nouvelles perspectives dans l’étude des sifflements, et la protection des dauphins

Les auteurs ont analysé 2209 sifflements de trois espèces (Grand dauphin, Dauphin bleu et blanc, Dauphin commun), collectés dans différents bassins de l’Atlantique Est et de la Méditerranée. L’étude démontre que la région d’origine des sifflements de chaque espèce peut être retrouvée avec une certitude variant entre 84 et 94%, y compris lorsque les régions appartiennent à un même bassin océanique. Les variables les plus utiles sont les fréquences de début et de fin de sifflement, les fréquences maximales et minimales, et la durée du sifflement.

L’étude des répertoires de sifflements des dauphins peut ainsi donner des indications précieuses pour la protection de ces espèces.

Alexandre et cetaces.org

Dolphin whistles can be useful tools in identifying units of conservation. Papale et al., 2021. En accès libre, ICI.