Prospection printanière… vue par Aurélie

Bélouga en mer azuréenne

En mai fais ce qu’il te plait ! Vendu ! J’embarque alors pour une semaine avec le GREC, mon association préférée ! On met les voiles en mer azuréenne. Un avant goût de Summertime, comme le nom de notre voilier (pour ma part avec doudoune et moumoute, ce qui me vaudra le surnom ponctuel de Beluga, Ours Polaire, …).

Gilles et Aurélie, dite Beluga, membres de l’équipe de la semaine 1 de la prospection ‘Bélouga’

Nous voilà partis pour une semaine de gastronomie en cétologie… Pour ce régal, on prend 8 rorquals, la moitié en cachalots. On y rajoute 10 groupes de stenellas, une pincée de grampus. Tout au long de la journée, on saupoudre de vélelles et de poissons lunes, en y rajoutant quelques chasses de thons (avec ou sans anchois à votre guise).

Foultitude de thons rouges durant ‘Bélouga’, et pas un seul dans notre assiette !

Enfin, on finit par une grosse poignée de petits puffs, puffins cendrés, sternes, pouillot, fauvette, bondrées et hirondelles de cheminée ! Attention, on surveille bien le temps de prospection : toutes les vingt minutes l’environnement ! La dégustation peut ensuite commencer…

Nombreux en mer azuréenne en ce milieu de printemps, les Rorquals sont occupés à… manger !

Les stenellas

Chaque groupe de bleus et blancs observé est différent : « Il y a un temps pour tout ! ». Nous avons pu en observer un beau panel : Ceux qui chassent nagent rapidement, ils effectuent des sauts assez caractéristiques de la prédation. Ceux qui se reposent, adoptent une allure plus lente pour économiser leur énergie. Ils ne gardent pas forcément de cap précis. Ceux plus espiègles, qui veulent jouer, viennent à l’étrave, font des vrilles, nous observent.

On y va ? On n’y va pas ? … Allez on y va, le dernier arrivé paie la tournée !

On a pu aussi observer leur vie de groupe qui s’orchestrait. La rivalité sociale comme nous la connaissons, mais au lieu du coude à coude, les stenellas optent pour le flanc à flanc (qu’on a pu observer à l’étrave). Pour les plus ombrageux, si cela ne suffit pas, j’ai pu observer un dauphin claquer ses mâchoires vers le flanc d’un de ses congénères, comme pour le sommer d’arrêter ce jeu de place, qu’il se joue à l’étrave ou ailleurs…

C’est la dernière ligne droite pour la première place à l’étrave…

Durant cette semaine de prospection, on a pu admirer les différents âges de la vie des stenellas : nourrissons, juvéniles, subadultes et adultes.  Nous avons aussi eu la chance de voir une nurserie flottante : trois nourrissons accompagnés de leurs mères. A défaut de rester dans leurs jupons, ils restent lovés sous leur nageoire.

Un autre jour à l’étrave, mais aussi sur une vidéo filmée par drone, on a pu observer des subadultes effectuer des parades de séductions, s’initier à des vrilles d’accouplement mais une forme de maladresse s’en dégageait. Sur le film on les voit alors en groupe serré, exécutant des voltiges aquatiques en laissant des sillages colorés : une vraie patrouille de France ! Leurs teintes nous laissent d’ailleurs des indices sur leurs bols alimentaires.

Groupe de Stenella en séquence de repos : nous gardons des distances respectueuses afin de ne pas les déranger

On a vu dans un autre groupe avec des « melons blancs », c’est comme les cheveux blancs pour nous : marqueurs d’expérience, de sagesse dus à un âge certain !

Les grampus

Nous les avons croisés, leurs ailerons s’imposent au milieu des flots. Ils ont gardé leur cap, tels des ambassadeurs des mers. Ils ont illustré un nuancier de gris : l’un était quasi blanc, les autres gris plus ou moins foncé. Encore une fois, cela exprime les marques du temps.

Petit groupe de Grampus, que certains plaisanciers confondent avec des Bélougas (quand ce n’est pas des Orques)

Les rorquals

Huit de ces splendeurs nous ont régalé les mirettes ! Le premier jour a été un vrai défilé : quatre rorquals ! Leurs rencontres reflètent un paradoxe de prestance et de discrétion ! Une exception bien sûr confirme cette règle comme le dit l’adage ! L’un d’entre eux nous a ébloui de 4 sauts majestueux à 800 m du bateau ! Prouesse d’agilité et de puissance pour ce colosse qui d’un coup s’extirpe entièrement des flots !

Posture habituelle d’un Rorqual commun, qui cherche à localiser des proies ‘à l’oreille’ ?

Les cachalots

Le deuxième jour, on entreprend un vrai cache-cache avec trois cachalots. On entend leurs clics ! On fait des milles en segments, on s’en approche : les clics s’intensifient évoquant alors un vrai compte à rebours ! Prêts ? Partez ! On part, on oriente et réoriente Summertime pour mieux les repérer et ajuster notre cap.

Il faut beaucoup de persévérance avant d’arriver à se positionner pour photo-identifier un cachalot… la preuve !

Un choix cornélien s’impose : lequel des individus privilégier ? Au terme de trois heures de cache à l’eau (lol) nous réussissons à nous approcher de deux d’entre eux et à capturer des images de leur caudale, ‘photo-ID compatible’ .

Enfin ça y est, un bon coup de téléobjectif et on peut reconnaitre ce cachalot ! C’est un animal nommé Boris… mais pourquoi ce nom au fait ?

Le 4ème jour : grande première c’est le primo-vol du drone au dessus d’un cachalot (Boris pour les intimes). Film aux images tout simplement spectaculaires, majestueuses ! On peut y voir et contempler entièrement ce colosse en train de respirer, juste impulser délicatement sa caudale ! Quant à nous, on a fait preuve de bien moins de grâce pour faire apponter le drone dans la houle croisée : le palpitant a bien accéléré ! Finalement, tel un fauconnier, Adrien, toujours aux commandes du drone, se libère une main et le réceptionne devant nous tous étendus tant bien que mal devant les balcons avants, bras ouverts mais poings fermés pour éviter que le drone ne finisse à la baille ! Et oui Faucon (drone rebaptisé par mes soins) ne sait pas nager mais nous a fait vibrer !

Boris est un jeune mâle… qui mesure combien, d’ailleurs ? Réponse à venir à l’analyse des vues aériennes ?

Comme pour féliciter de cet exploit, le cachalot s’en est retourné dans les abysses sans tambour mais avec quelques trompettes !

Les oiseaux

Ils ont ponctué les journées de leur passage : haut dans le ciel (bondrée apivore), à fleur d’eau (puffins et petits puffs), virevoltant aux abords du Summertime (hirondelle de cheminée), chassant et perçant les flots (sternes) ou trouvant un peu de répit sur notre bateau, comme les pouillots et la fauvette !

Un puffin cendré (de Méditerranée) s’ébrouant dans l’eau, spectacle amusant et photogénique

Je laisserai Gilles (alias ornithologue ) développer ces rencontres volatiles !

Lors des prospections de printemps, il est recommandé d’embarquer un ornitho patenté, car on voit beaucoup de migrateurs, telle cette bondrée apivore (partie d’un groupe de 7 !)

Et pour finir, le supplément « poisson-lune » !

Ce pourrait être notre animal totem du séjour ! On a croisé sa route chaque jour, souvent non loin de nappes de vélelles. Ces petits invertébrés sont un met fort apprécié des poissons lunes. Ils ressemblent à des pétales flottant sur l’eau et la décorant sur plusieurs centaines de mètres carrés.

Un P’lune attablé avec ses proies favorites du printemps : des vélelles

Le sixième jour, on a eu droit à quatre sauts de poisson lune, complètement hors de l’eau. Ce poisson, que je connaissais plutôt sur le versant apathique, ayant une nage peu harmonieuse, se prélassant en surface pour se réchauffer ou pour inviter les oiseaux à lui retirer les parasites, est devenu sous nos yeux ébahis agile et sauteur !

Les nuisibles

Le 7ème jour, le vendredi, la météo était moins propice à la prospection. On a été tenté d’appliquer « le vendredi : reste au lit par ce temps pourri » mais la bande de motivés que nous sommes a finalement pris la mer ! Le vent a continué à forcir, les vagues à se creuser, la visibilité à se détériorer. On a malgré tout détecté un cachalot peu après la sortie du mouillage, comme un clin d’œil d’encouragement face à notre ténacité !

Il faut 900 litres de gasoil à ces bipèdes fortunés pour rejoindre St-Tropez et prendre l’apéro avec leurs semblables… et autant au retour : de quoi abreuver les 5200 chevaux qui s’agitent sous le capot !

Malheureusement d’autres humains font preuve de trop de persévérance : certains nuisibles hybrides, reconnaissables à plusieurs milles. Cette espèce se déplace en yachts prétentieux, propulsés par des moteurs puissants et gloutons à souhait ! Nous avons hélas croisé un spécimen particulièrement caricatural : il faisait des va-et-vient rapides, brûlant des centaines de litres de carburant, le temps de se divertir une demi-heure avec yacht et drone : avoir une vidéo aérienne de son gros joujou, cela n’a pas de prix… ou plutôt si, celui de la bêtise humaine ! Triste performance à l’ère où l’écologie devrait être le maître-mot de tous, millionnaires compris !

La Méditerranée au printemps, c’est magique !

Durant cette semaine, la grande bleue nous a bercés et émerveillés, on a rencontré plusieurs espèces connues mais également d’autres sous-espèces qui méritent d’être connues : des ornithologues bons cuistots, des cétologues av-geek (passionné d’aviation) et hélicologues (passionné d’hélicoptères) ! Pas une espèce sous les flots ou dans les airs ne leur résiste !

Est-ce que les ‘marins du ciel’ ont le temps de compter les cétacés pendant leurs missions ? Pas sûr !

Avis aux cétologues, destination GREC LAND chaudement recommandée, plein de surprises vous attendent !

Aurélie et cetaces.org