Hécatombe de dauphins dans le golfe de Gascogne

Un grave échec de la politique gouvernementale

Les hivers se suivent et ne se ressemblent pas : alors que le début de 2022 avait été marqué par la rareté des vents d’ouest prolongés, les fortes brises et les coups de vent se sont répétés depuis la mi-décembre, avec pour résultat un nombre record d’échouages de cadavres de dauphins communs, morts pour l’essentiel dans des interactions avec la pêche. Quelques journalistes font des titres sur ce qu’il faut bien appeler un ‘marronnier’ macabre : oui, il y a encore des échouages massifs du fait de la pêche dans le golfe de Gascogne ! Oui, la pêche continue de tuer des dauphins par milliers.

Dauphin commun en Atlantique : une espèce pas protégée dans le golfe de Gascogne

Le gouvernement tente de démontrer que ses actions seront, dans quelque temps, couronnées de succès, c’est-à-dire ramener la mortalité de dauphins à un pourcentage acceptable … (lequel d’ailleurs ?), alors qu’en fait sa politique depuis 2017 se résume en un seul axiome : éviter une fermeture temporaire des pêcheries responsables de cette hécatombe. Une mesure qui a été recommandée par plusieurs organisations scientifiques européennes non suspectes de partialité. D’où un ‘avis motivé’ (c’est-à-dire une mise en garde) envoyé par l’Europe aux autorités françaises en juillet 2022.

Chalutiers : les pélagiques se caractérisent par un fort taux de capture de dauphins

En fait, les mesures prises par la direction des pêches sont pour l’essentiel (*) des actions visant à s’informer du nombre de captures et des pêcheries en cause (observateurs, caméras, déclaration ‘obligatoire’ des captures), et des études scientifiques (sur les balises acoustiques, sur l’écosystème, sur des modifications de filets). Les mesures d’information sur les captures font partie du règlement européen des pêches depuis plusieurs décennies, et sont depuis longtemps correctement appliquées dans plusieurs pays européens.

Quant aux actions scientifiques, il y en a pour plusieurs millions d’euros, soit elles devraient avoir été conduites depuis longtemps (pour ce qui est des études fondamentales des dauphins dans leur écosystème), soit elles visent à réinventer la roue à grand renfort de budget de développement et d’expérimentation. Plusieurs pays (Danemark, Portugal, Grande-Bretagne …) ont déjà démontré que la mise en place de pingers sur les filets (un tous les 200 mètres) permettait de diviser le taux de capture de dauphins (ou de marsouins) par 2 ou par 3. Le problème des captures par pêche est étudié en Europe depuis plus de 30 ans !

Le problème des captures massives de dauphins s’est aggravé, mais il existe depuis plusieurs décennies

Gagner du temps, c’était le but de la réponse du gouvernement, datée du 15 décembre 2022, à ‘l’avis motivé’ de la commission européenne. Une action de fermeture temporaire et sélective pourrait, peut-être, être envisagée après 2024-2025, si les études et expériences lancées depuis 2021 n’aboutissaient pas à des alternatives agréées par des pêcheurs fermement opposés à toute limitation de leur activité. Une position partagée par les pêcheurs espagnols, également très actifs dans le golfe avec une impressionnante flotte de fileyeurs. Sur ce dossier, la pression exercée par les grandes ONG n’aura donc pas été suffisante pour infléchir un arbitrage du gouvernement toujours exclusivement favorable au monde de la pêche.

Compter les morts est nécessaire, mais ne doit pas constituer l’alpha et l’oméga d’une politique de protection des dauphins

En attendant que la Commission Européenne ne se décide à passer à l’étape suivante -prendre une mesure réglementaire de fermeture des pêcheries responsables de l’hécatombe-, nous en sommes réduits à compter les cadavres livrés par l’océan au gré des vents dominants. Face à cet échec retentissant, la seule arme susceptible de modifier le rapport de force politique dans ce dossier, prendre à témoin le consommateur, n’a pas encore été employée par les ONG. Le sera-t-elle ?

Alexandre et cetaces.org

(*) On note que les chalutiers pélagiques, responsables d’un fort taux de capture, ont depuis 2021 l’obligation d’équiper leurs engins de balises acoustiques dissuasives.