Nage commerciale avec les cétacés : les opérateurs condamnés

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L’activité de « nage-avec » reconnue perturbation intentionnelle par la justice française

C’est une bonne nouvelle pour les protecteurs des cétacés : les trois opérateurs commerciaux qui proposaient de nager avec ces animaux au large de nos côtes et au cœur du Sanctuaire Pelagos se sont vus aujourd’hui condamner par le tribunal de Grasse.

Le jugement avait été mis en délibéré après la séance du 14 décembre 2022, où au terme de sept heures d’audience le procureur avait requis des peines financières de plusieurs milliers d’euros assorties de 3 mois de prison avec sursis et de la confiscation des scellés (les navires des trois opérateurs qui avaient été saisis en juillet 2022). La défense avait plaidé la relaxe en arguant principalement d’une législation trop peu claire et de vices de procédure.

Les réquisitions auront donc été partiellement suivies puisque les trois accusés ont été condamnés en première instance à des peines financières allant de 6500 à 15500 euros, comprenant des amendes délictuelles et contraventionnelles ainsi que des dommages et intérêts à verser à FNE PACA, qui avait initié cette procédure en début d’été 2022 et s’était porté partie civile, avec succès.
Le tribunal a ordonné la restitution des navires. (Et deux opérateurs ont par ailleurs été relaxés pour des chefs d’accusation administratifs supplémentaires un peu plus anecdotiques, du moins de notre point de vue de naturalistes.)

En attendant la résolution finale de cette procédure, qui pourra dépendre d’éventuels appels, le GREC se satisfait déjà que le tribunal ait déclaré coupables les accusés sur les chefs d’accusation principaux (pratiques commerciales trompeuses et perturbation intentionnelle des cétacés par approche à moins de 100 mètres).

Mauvais moment à passer pour ce cachalot azuréen, victime de harcèlement pendant plusieurs « lancers de nageurs » avant que notre intervention n’amène la fin du cirque -et, pour l’animal, enfin le retour au calme et à son activité normale de prédation-


Cette condamnation est l’aboutissement d’une lutte qui nous tient à cœur depuis plus de dix ans.

L’arrêté de protection des mammifères marins de juillet 2011, qui interdisait la perturbation intentionnelle, la poursuite et le harcèlement de ces animaux dans les eaux françaises, aurait déjà dû être suffisant pour faire cesser les activités de nage commerciale avec les cétacés, qui dérangeait les animaux en les poursuivant et en leur jetant des nageurs, ce que nous avions surnommé à l’époque le « whale-jumping », en référence à une facette du whale-watching en pleine dérive, scientifiquement prouvée comme néfaste pour les cétacés dans plusieurs régions du monde.

Le fameux arrêté du 1er juillet 2011 est publiquement consultable sur Legifrance, par exemple


Le Groupe de Recherche sur les Cétacés a continué à alerter régulièrement les autorités et l’opinion publique sur la pratique de cette activité illicite, notamment au travers d’une pétition nationale lancée en collaboration avec FNE en juillet 2017, qui avait malheureusement eu trop peu d’effets immédiats en dépit de ses signatures.

D’étapes en étapes, la mobilisation contre le « nage-avec » a donc enfin abouti à une avancée concrète pour la protection des cétacés


Dans un milieu aquatique déjà sujet à de trop nombreuses pressions anthropiques (bruit, dérangement, pollution, réchauffement des eaux, pêche, …), l’activité de nage avec les cétacés, business notamment intense pendant l’été, ajoutait une pression supplémentaire aux animaux azuréens ; les Dauphins bleus et blancs étaient particulièrement touchés (notamment au détriment de leurs phases de repos et de socialisation, activités vitales pour conserver une population dynamique et en bonne santé), et nous avions d’ailleurs récemment mis en évidence leur raréfaction dans les eaux locales au cours des dernières décennies.

L’arrêté de 2011 avait été renforcé début 2021 par l’ajout d’une interdiction d’approche des animaux à moins de 100 mètres dans les aires marines protégées (y compris le Sanctuaire Pelagos), puis complété en juillet 2021 par un arrêté préfectoral étendant l’interdiction d’approche à moins de 100 mètres à toutes les eaux méditerranéennes françaises… ce qui aura donc enfin permis des résultats en justice.

En dépit des arguments des opérateurs, les rencontres entre dauphins et « nage-avec » ne devaient rien au hasard : le repérage par avion des animaux, puis le guidage radio des navires, avaient été pointés du doigt par le tribunal lors de l’audience du 14 décembre


Souhaitons que cette décision fasse jurisprudence, et qu’on s’achemine vers une protection (en commençant par une application des textes en mer) effective de l’ensemble des cétacés dans les eaux françaises, quels que soient les pressions et les intérêts politicofinanciers à l’œuvre.

Adrien et cetaces.org