La longévité des Dauphins communs du golfe de Gascogne a dégringolé
Si le sujet n’était pas aussi grave, on annoncerait la nouvelle ‘saison’ d’une série incontournable, celle qui met en scène les dauphins et les pêcheurs du golfe de Gascogne, avec en toile de fond l’exploitation des ressources de cette région. Un article scientifique tout juste paru, dont le premier auteur est Etienne Rouby, constitue le premier épisode de cette nouvelle saison ; il est intitulé ‘Longevity collapse in dolphins: a growing conservation concern in the bay of Biscay’.
L’étude met tout simplement en évidence une chute très importante de la longévité des Dauphins communs femelles présentes en hiver dans le golfe de Gascogne : cette durée de vie moyenne serait passée de 24 à 17 ans entre 1997 et 2019. Sachant que les ‘dauphines’ commencent à procréer entre 6 et 8 ans et que la durée de leur cycle reproductif est d’environ trois ans (voire plus), la forte diminution de la longévité entraîne une baisse importante du potentiel de renouvellement de la population de dauphins.

Les auteurs ont obtenu ce résultat en modélisant les données reproductives de 759 dauphins échoués entre 1997 et 2019, dont 362 femelles. Ces données ont été finement obtenues en examinant les organes de ‘dauphines’ dont on a par ailleurs déterminé l’âge par une technique classique d’examen des dents. La modélisation elle-même, qui ne peut être détaillée ici, ne donne pas un résultat ‘exact’ mais la magnitude du résultat trouvé permet de considérer cette avancée scientifique comme ‘robuste’.
Un autre résultat de cette étude pourrait être interprété : près de la moitié des dauphins de l’échantillon examiné ont moins de 6 ans, c’est-à-dire qu’ils meurent avant d’être en âge de se reproduire.

L’étude suggère que le golfe de Gascogne est une zone de mortalité majeure pour toute la région atlantique nord-est, et que si les estimations d’abondance locales ne montrent pas pour le moment que la population hivernante diminue, c’est en raison des ‘immigrations’ saisonnières en provenance d’autres régions habitées par le Dauphin commun.
Comme nous l’avions fait il y a plus de 5 ans, regardons ce que peut être l’effet de la mortalité par pêche sur la population de Delphinus de l’Atlantique nord-est en utilisant cette fois les données scientifiques les plus récentes :
- une publication récente sur l’évaluation de la mortalité hivernale (Peltier et al. 2024, Endang Spec Research, vol.53)
- un rapport sur les abondances de cétacés en Atlantique NE hors-Irlande (Gilles et al. 2023, rapport final du projet SCANS IV)
- un rapport sur les abondances de cétacés dans les eaux irlandaises (Giralt Paradell et al. 2024, Aerial surveys of cetaceans and seabirds in Irish waters … 2021-2023)
Nous exprimons ci-dessous l’impact potentiel des captures par pêche sur la population totale de Dauphins communs de l’Atlantique NE, grâce à une méthode classique de dynamique de population.

A partir d’une population à l’équilibre sur 25 années, on considère que la mortalité anthropique par pêche touche 1% des adultes chaque année. L’effet de ce supplément de mortalité annuelle est une baisse de la population de la région Atlantique de 30% à peu près au bout de 25 ans, chute de population qui se poursuit dans les décennies suivantes. Le critère européen (ASCOBANS, OSPAR) de bon état de ‘conservation’ serait donc enfoncé au bout de 25 ans, car l’objectif officiel d’une politique de bonne ‘conservation’ consiste à maintenir la population à 80% de son niveau optimal au bout de 100 années (*).

On voit par là que la mesure temporaire d’interdiction de pêche visant les ‘métiers à risque’ pendant un mois en hiver, si elle vaut mieux que rien, ne saurait suffire à assurer la pérennité de la population de dauphins dans le golfe de Gascogne. C’est d’ailleurs ce qu’indiquaient les experts du CIEM dès 2020. Il faut maintenant passer à des mesures plus décisives touchant aux techniques ou aux engins de pêche.
Alexandre et cetaces.org
(*) A l’époque actuelle, établir un critère de conservation à 100 ans ressemble à une ineptie, non ?

