Doit-on améliorer le texte ?
Notre navigation naturaliste dans le nord du golfe de Gascogne nous a permis d’observer dans un nouveau contexte les interactions entre les cétacés, les dauphins en particulier, et les plaisanciers. Un point commun avec les eaux azuréennes : cétacés et plaisanciers sont nombreux dans les eaux côtières du sud de la Bretagne.

Premier constat : sur les interactions entre voiliers et cétacés, il n’y a quasiment pas de sujet. La vitesse modérée des voiliers, la psychologie des plaisanciers à bord peut-être, rend les rencontres assez brèves et peu invasives.
Second constat : si l’on exclut les pêcheurs amateurs, très nombreux, les moto-plaisanciers locaux naviguent souvent sur des semi-rigides, pour aller visiter une petite île, un îlot. Balade en petit comité, en famille, la mer ‘espace de loisirs’. On ne rencontre pas ici la myriade de yachts, petits, moyens et grands, qui constitue un élément essentiel du ‘peuplement azuréen de plaisanciers’. Et c’est tant mieux.
Mais les semi-rigides ont la capacité de nuire gravement à la tranquillité des dauphins et des marsouins s’ils sont conduits par des personnes ignorant des lois, ne sachant pas les interpréter, ou ne voulant pas les appliquer. Nous en avons eu deux exemples alors que nous étions en train de photo-identifier un groupe de Tursiops cet été (en respectant le code de bonne conduite Pelagos).

Rappelons d’abord les termes de l’arrêté de protection des mammifères marins de 2011, dans sa version de 2021, article 2, 1° alinéa : Sont interdits : ‘La destruction, la mutilation, la capture ou l’enlèvement intentionnels incluant les prélèvements biologiques, la perturbation intentionnelle incluant l’approche des animaux à une distance de moins de 100 mètres dans les aires marines protégées mentionnées à l’article L. 334-1 du code de l’environnement, et la poursuite ou le harcèlement des animaux dans le milieu naturel.’

Au contraire de la Méditerranée, où le Préfet Maritime a pris un arrêté complémentaire élargissant à toute la mer territoriale l’interdiction d’approche à moins de 100 mètres, en Atlantique et Manche, il n’est pas interdit d’approcher les cétacés si l’on se trouve en dehors d’une aire marine protégée. Donc, les moto-plaisanciers approchant les dauphins même à un mètre ne sont pas en infraction.
Restent donc les notions de ‘perturbation intentionnelle’, de ‘poursuite’ et de ‘harcèlement’, autant d’infractions possibles qu’il est difficile d’objectiver, hormis si l’on est un spécialiste (et encore, pas dans tous les cas). Pour l’essentiel, l’interaction entre moto-plaisanciers et cétacés est donc laissée à la libre appréciation des occupants d’un bateau. Une situation problématique pour les cétacés… et pour la protection de la Nature.

Quel est l’enjeu ? Que les plaisanciers ne considèrent pas les cétacés juste comme un jeu supplémentaire dans leur espace de loisirs nautiques, et qu’ils prennent conscience qu’ils ont affaire à des animaux sauvages qui ont aussi des droits (ceux inscrits dans la loi)… Comment ?
Faire connaître cette loi n’est pas suffisant, car son interprétation en cas de rencontre est subjective : comment savoir si l’on perturbe, si l’on poursuit, si l’on harcèle. Cela paraît trop demander à des personnes qui seraient souvent bien en peine, une fois à terre, de différencier un moineau d’un pinson. Cependant, savoir ce qu’il y a dans la loi mettrait déjà en éveil la conscience de celles et ceux, et ils sont majoritaires, qui ne veulent pas ‘mal faire’.

Donner dans un document nautique obligatoire des exemples permettant d’objectiver les notions de perturbation, de poursuite et de harcèlement serait déjà un progrès. Qui le fera ? Par quels moyens faire en sorte qu’une majorité de plaisanciers ait capté le message ?
Faire connaître le ‘code de bonne conduite Pelagos’ introduit il y a longtemps en Méditerranée ? Ce serait effectivement un grand progrès de le voir figurer dans le livre de bord annuel de toutes les façades métropolitaines, document présent à bord d’un bateau de plaisance.
Modifier l’arrêté de protection pour appliquer l’interdiction d’approche à toutes les mers territoriales métropolitaines ? On doit aussi l’envisager ; même si instaurer une loi sans avoir les moyens de l’appliquer n’est pas une solution-miracle.
Ne rien faire pour améliorer la protection des cétacés ? C’est l’option la plus facile.
Alexandre et cetaces.org