Une question cruciale non résolue
La question de l’intérêt des éoliennes offshore a depuis longtemps été résolue par le gouvernement, « c’est très bien », et par des associations environnementalistes, « c’est l’avenir », en écho pour celles-ci de l’affirmation « le nucléaire, c’est très mal ». Pour les industriels, c’est l’aubaine du siècle. Pour le consommateur moyen, les éoliennes offshore, c’est bien, du moment qu’il y a de l’électricité dans la prise de courant, pas chère si possible (ceci est un autre débat, sournois). Pour ce dernier, qu’il soit environnementaliste ou pas, le « c’est très bien » se double d’une revendication : « à condition que je n’en vois pas les conséquences depuis ma fenêtre, mon jardin, ma résidence secondaire ». Cet aspect est appelé NIMBY (Not In My Back Yard) en anglais, et motive des recours en tous genres de la part d’associations locales, pour des questions de nuisances visuelles, de lignes THT, en attendant … les usines d’hydrogène (corollaires du développement de la production d’énergie non pilotable).

Pour le naturaliste, la question essentielle est « quelle dégradation d’habitat naturel engendrent ces installations gigantesques » (des milliers de km carrés à terme). Et pour le cétologue, elle est « quelle dégradation de milieu de vie pour les cétacés ». Si les conséquences des chantiers de construction ont été amplement débattues, celles de la simple présence d’éoliennes offshore, et de leur fonctionnement, n’ont pas encore de réponse pour les dauphins. On sait qu’en mer du Nord, les marsouins réinvestissent plus ou moins les usines électriques offshore une fois la construction achevée. Dans les eaux françaises, plusieurs espèces de dauphins utilisent pour se nourrir les eaux qui sont et seront modifiées par les turbines offshore. En Atlantique, en Manche, et en Méditerranée.

La question n’est pas légère, car pour les cétacés comme pour nous, se nourrir est vital, et tous les habitats ne sont pas interchangeables pour ce qui est de leur qualité ‘nutritive’, et on dépasse les limites de la notion d’espace « compensable ». Si l’on supprime 10 000 km carrés d’habitat vital à des dauphins, la conséquence peut très bien en être … une diminution proportionnée de leur population. En cette année 2025, la plupart des projets éoliens en production, en construction ou en cours d’adjudication, sont situés dans des eaux peu profondes, où l’on a dû postuler (après des études de risques basées sur trop peu de prospections en mer) que les dauphins étaient peu nombreux. La question se pose maintenant que les chantiers se multiplient en eaux plus profondes (golfes du Lion et de Gascogne) : les populations de dauphins (commun et bleu et blanc) continueront-elles à utiliser les habitats dégradés par les éoliennes pour se nourrir ?

Le Groupe de Recherche sur les Cétacés n’a pas de réponse à cette question importante, et du reste ne pourra pas y répondre car l’association n’est pas impliquée dans les projets éoliens offshore. Poser la question est cependant crucial, plutôt que de laisser le débat sous le tapis et « on verra bien, de toutes façons les gens n’y verront que du feu » !
Alexandre et cetaces.org