Dauphins en hiver

L’eau est froide… les dauphins ont-ils froid ?

Profitant d’une des premières journées de temps calme, nous partons faire un repérage dans les eaux côtières azuréennes : objectif principal, savoir où en sont ‘nos’ Stenella côtiers depuis un mois et demi que nous ne les avons pas vus. Ils sont en effet quelques centaines à hiverner près des côtes, malgré des températures aquatiques qui descendent à 13-14°C en surface.

On commence notre échantillonnage par le sud-ouest, le ’83’

Profitant des avantages du canot à moteur, nous souhaitons prospecter une façade s’étendant du golfe de St-Raphaël jusqu’à Monaco. Avec 5 équipiers à bord, il est possible d’observer vite et bien, même si nous savons que la vitesse va nous faire rater la moitié des dauphins. Le beau temps nous permet d’apprécier la diversité des paysages côtiers azuréens…

Monaco, devenu un genre de Hong-Kong azuréen, du moins par ses tours

Nous parvenons à détecter et observer trois groupes de Dauphins bleus et blancs, mais ils sont petits : le premier est en fin de chasse matinale, les deux autres ont des comportements typiques de repos et voyage lent… discrets et peu énergiques.

Un des individus d’un groupe au repos respire ‘à l’économie’

A propos, les dauphins ont-ils froid en hiver ? Nous ne pouvons pas répondre sur l’aspect psychologique des choses, la sensation de froid, mais l’aspect physique du phénomène est à la base plutôt simple : si on triple l’écart de température entre le corps (36°C pour les dauphins, environ) et l’eau ambiante (mettons 13°C en hiver et 28°C en été), les dépenses énergétiques dédiées au maintien de la température vont elles aussi tripler, toutes choses étant égales par ailleurs. Comment font les dauphins face à ce ‘budget chauffage’ hivernal ?

Regardez bien : on est en hiver, je ne porte ni polaire ni doudoune…

Quatre solutions complémentaires : (1) limiter les dépenses énergétiques annexes (jeux, sauts de socialisation, courses poursuites), (2) consommer ses précieuses réserves de graisse accumulées dans le lard durant la belle saison, (3) profiter d’adaptations physiologiques vasculaires permettant de garder le sang chaud à l’intérieur du corps et limitant la déperdition de calories au contact de l’eau, et (4) manger autant que possible chaque fois que c’est possible. Les réserves énergétiques dans le lard, on les évalue lors des autopsies sur des dauphins … morts : il est un fait qu’un dauphin amaigri peut avoir seulement 5 mm de lard sur les flancs, alors que son collègue bien portant en a 12. Grosse différence au niveau de l’isolation thermique du dauphin, et potentiel danger vital pour le dauphin amaigri.

Calmar mesuré et pesé grâce à la collaboration de l’Association des Pêcheurs Plaisanciers d’Antibes, que nous remercions

Mais bien sûr, tout cela peut s’arranger si les dauphins trouvent des ressources alimentaires abondantes et énergétiques… plus facile à dire qu’à faire, mais l’enjeu est vital pour eux : pas de ‘Restos du cœur’ pour les dauphins. C’est pour cela que les études sur le régime alimentaire, rares, sont si importantes pour les cétacés : le Groupe de Recherche sur les Cétacés en conduit une sur les Stenella depuis 2022, en partenariat avec PELAGOS-France. Poissons, calmars, crevettes, …: tout fait repas pour les Stenella. Nous vous en reparlerons bientôt.

Alexandre et cetaces.org