Loi sur la maltraitance animale et cétacés captifs

Vers des delphinariums 2.0 ?

Après le pataquès de la publication de l’arrêté du 3 mai 2017, puis de son annulation, les associations anti-cétacés-captifs attendaient avec impatience le texte qui allait mettre fin aux delphinariums, coupables à leurs yeux de détenir des dauphins et des orques dans des conditions impropres à une vie décente. Voilà qui fut apparemment fait avec la publication de la loi 2021-1539 du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes‘.

Interaction entre un humain et un dauphin dans un delphinarium 1.0 (photo John Alvarez Pixabay)

En fait, il faut attendre la page 11 (sur 13) de cette loi essentiellement consacrée aux animaux domestiques et aux chevaux pour trouver le chapitre III, comportant 4 articles, sur la Fin de la captivité d’espèces sauvages utilisées à des fins de divertissement. Comme pour tout texte à portée juridique, il faut lire attentivement les articles de la loi, en portant attention à la moindre virgule, qui peut être lourde de conséquences.

L’article 46 porte sur des modifications du code de l’environnement, par ajout d’une ‘section 3’ portant sur les ‘Dispositions relatives aux animaux d’espèces non domestiques détenus en captivité à des fins de divertissement‘.

L’article L.413-11 ajouté à ce code de l’environnement précise que ‘Les établissements de spectacles fixes présentant au public des animaux vivants d’espèces non domestiques sont soumis aux règles générales de fonctionnement et répondent aux caractéristiques générales des installations des établissements zoologiques à caractère fixe et permanent présentant au public des spécimens vivants de la faune locale ou étrangère. […]

L’article L.413-12 porte directement sur les delphinariums :

  • « I. – Sont interdits les spectacles incluant une participation de spécimens de cétacés et les contacts directs entre les cétacés et le public. Cette interdiction entre en vigueur à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi no 2021-1539 du 30 novembre 2021 précitée.
  • II. – Il est interdit de détenir en captivité ou de faire se reproduire en captivité des spécimens de cétacés, sauf au sein d’établissements mentionnés à l’article L. 413-1-1 ou dans le cadre de programmes scientifiques dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de la protection de la nature. Cette interdiction entre en vigueur à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la promulgation de la loi no 2021-1539 du 30 novembre 2021 précitée.
  • III. – Un arrêté du ministre chargé de la protection de la nature détermine les caractéristiques générales, les modalités de présentation du contenu des programmes scientifiques et les règles de fonctionnement des établissements autorisés à détenir des spécimens vivants de cétacés mentionnés au II.« 

Autrement dit, l’article 46 autorise la détention et la reproduction en captivité de cétacés, à condition que les delphinariums soient engagés dans des programmes scientifiques approuvés par l’Etat.

Le Bélouga est une espèce qui n’est pas présente dans les delphinariums français (photo Anastasia EA Pixabay)

L’article 47 n’est pas moins intéressant et secrète aussi son lot de conséquences pour la captivité future des cétacés : il porte sur les sanctuaires ou refuges pour animaux sauvages. Libellé de l’article 47 :

  • « Après l’article L. 413-1 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 413-1-1 ainsi rédigé :
  • « Art. L. 413-1-1. – Un refuge ou sanctuaire pour animaux sauvages captifs est un établissement à but non lucratif accueillant des animaux d’espèces non domestiques, captifs ou ayant été captifs, ayant fait l’objet d’un acte de saisie ou de confiscation, trouvés abandonnés ou placés volontairement par leur propriétaire qui a souhaité s’en dessaisir.
  • «L’exploitant d’un refuge ou sanctuaire pour animaux sauvages captifs doit être titulaire du certificat de capacité prévu à l’article L. 413-2 pour une activité d’élevage des espèces animales présentes sur le site lorsqu’il n’y a pas de présentation au public. Dans l’hypothèse d’une présentation au public, le certificat pour cette activité est requis.
  • «L’établissement doit avoir fait l’objet d’une autorisation d’ouverture prévue à l’article L. 413-3.
  • «Au sein d’un refuge pour animaux sauvages captifs, les animaux doivent être entretenus dans des conditions d’élevage qui visent à satisfaire les besoins biologiques, la santé et l’expression des comportements naturels des différentes espèces en prévoyant, notamment, des aménagements, des équipements et des enclos adaptés à chaque espèce.
  • «Toute activité de vente, d’achat, de location ou de reproduction d’animaux est interdite.
  • «La présentation de numéros de dressage et tout contact direct entre le public et les animaux à l’initiative du visiteur ou du personnel du refuge ou du sanctuaire sont interdits.
  • «Le présent article s’applique sans préjudice des dispositions réglementaires relatives aux animaux d’espèces non domestiques.
  • «Les ministres chargés de l’environnement et de l’agriculture assurent l’exécution du présent article.« 

L’article 47 ouvre donc la voie à la création de ‘sanctuaires pour cétacés captifs’ … un serpent de mer bien connu des cétologues. Un autre type d’établissement où le public pourra voir des cétacés en captivité. Gageons que le premier ‘sanctuaire’ ne tardera pas à voir le jour.

Si le texte reste plutôt vague ou laisse des voies d’interprétation qui ne peuvent échapper à personne, il subsiste dans la loi une contradiction entre « satisfaire les besoins biologiques, la santé et l’expression des comportements naturels des différentes espèces » et « Toute activité […] de reproduction d’animaux est interdite« . La difficulté qui avait été introduite par les ajouts de dernière minute au texte de 2017 est restée.

Le texte ne stipule pas d’interdiction de présentation des animaux au public, et proscrit juste les « spectacles »– donc en mode « zoo » et pas delphinarium – : mais où commence le spectacle, où finit la présentation ?

Interaction manifeste entre un dauphin et un humain (photo Salvatori 007 Pixabay)

Les termes de « refuge » et « sanctuaire » : un refuge est en principe un lieu organisé pour accueillir des animaux captifs, ou ayant été captifs… Le refuge devrait donc être transitoire, le temps d’échapper à un danger (pour sa santé notamment),  rien ne le précise. On peut supposer que le « sanctuaire » va être une zone délimitée sur l’espace maritime, à des fins de repos. Si le « sanctuaire » est délimité, ce n’est qu’un bassin de captivité naturel.

On voit donc que bien loin de mettre fin à la détention de cétacés dans notre pays, le texte de loi du 30 novembre 2021 en organise les nouvelles modalités … charge aux ‘Delphinariums 1.0’ d’organiser leur métamorphose dans les 5 ans. Métamorphose qui a débuté sous nos yeux, avec toute la force que procurent des ressources financières importantes, un éclairage médiatique complaisant, et une volonté sans scrupule d’investir tous les champs disponibles … quitte à ne pas respecter l’activité de structures existantes.

Alexandre, Odile, et cetaces.org