L’Eldorado de la nage avec les cétacés … jusqu’à épuisement du filon ?

Alors que la saison estivale ne fait que débuter, certaines activités battent déjà leur plein en Méditerranée française. C’est en particulier le cas de la controversée – mais lucrative – nage avec les cétacés.

Depuis une dizaine d’années un nombre croissant d’opérateurs de whale-watching s’adonne en effet à ce qu’on pourrait appeler le ‘whale-jumping’ (le principe en un mot : plutôt que de « simplement » regarder les cétacés, on fait sauter les touristes à côté). C’est le ‘nage-avec’.
Si l’on excepte l’aspect sonnant et trébuchant, cette nouvelle manne ne semble présenter que des inconvénients… autant (ou presque) pour les consommateurs que pour les animaux utilisés.

Mauvais moment à passer pour ce cachalot… courage, la nuit arrive dans quelques heures

Citons par exemple, en vrac (liste malheureusement non exhaustive…) :

  • Risque immédiat pour l’intégrité du nageur qu’on fait sauter dans un environnement qui lui est souvent inconnu… à proximité non seulement des hélices de vedettes puissantes, mais également d’animaux sauvages aux réactions parfois peu prévisibles (surtout, cela va sans dire, par un individu inexpérimenté en la matière)
  • Risque sanitaire potentiel, certains cétacés étant porteurs de pathogènes zoonotiques, c’est-à-dire pouvant se transmettre à l’humain… la contamination en chemin inverse n’est pas non plus exclue !
  • Risque pour les pilotes des avions de repérage qui semblent parfois avoir une conception toute personnelle des règlements de sécurité aérienne
  • Risque que le client croie qu’une observation d’animaux sauvages dans leur milieu doit forcément être accompagnée de sauts téméraires et d’écume bouillonnante
  • Risque de nivellement par le bas de l’activité de whale-watching dans sa globalité… un opérateur de whale-watching initialement respectueux des animaux mais lassé de voir ses observations saccagées par des individus moins scrupuleux ne pourrait-il pas à terme être tenté de céder aux sirènes de ce far-west marin (sans compter que le coffre de la diligence semble bien se remplir … et que la cavalerie de l’Etat a visiblement des difficultés à se trouver au large !) ?
  • Risque de blessure, via collisions ou hélices, pour les cétacés pris à partie
  • Risque bien sûr, à court ou moyen terme, d’abandon de l’habitat par les cétacés concernés ; on constate systématiquement un changement de leur activité à la saison des approches – mises à l’eau, et un comportement altéré pendant de longues heures après les approches.

Rappelons par ailleurs, même si cela est apparemment anecdotique pour les acteurs de la florissante « nage-avec-les-cétacés », que la loi française interdit entre autres toute perturbation intentionnelle de cétacés (notamment harcèlement ou poursuite) ainsi que toute dégradation de leurs aires de repos ou de reproduction.
La totalité des nombreuses actions de ‘nage-avec’ que nous avons pu observer comprenaient a minima des phases de harcèlement ou de poursuite, et étaient donc simplement illégales.

Quand la ‘Séquence Action’ dans l’eau ne suffit pas, on convie l’avion de repérage à une séance de Flying Circus … pas très réglementaire.

Signalons enfin que certains opérateurs agissent au sein d’aires spécialement protégées (ou du moins censées l’être) – et vont parfois jusqu’à s’en gargariser ou s’en servir d’argument publicitaire –, par exemple zones Natura 2000 en mer ou sanctuaire Pelagos (dont le code de bonne conduite proscrit explicitement la baignade), alors que le respect des animaux et de leur tranquillité devrait y être encore plus fondamental qu’ailleurs…

Le Groupe de Recherche sur les Cétacés s’est déjà prononcé plusieurs fois contre cette activité en dénonçant ses dérives et ses dangers. En ce début d’été nous joignons notre voix à celles de France Nature Environnement, et d’autres associations, afin d’aboutir à son arrêt.

Terminons ce billet par un conseil à quiconque, touriste ou non, serait tenté de prendre part à une expédition de ce genre : préférez toujours le choix d’un opérateur d’écotourisme ou de whale-watching ‘traditionnel’.
Les tarifs seront souvent plus abordables, la poussée d’adrénaline (peut-être) légèrement plus faible sera compensée par le non moins agréable sentiment d’avoir la conscience tranquille, et vous pourrez observer un petit moment de vie normale des cétacés rencontrés, plutôt que de juste entrevoir des animaux vous évitant dans l’eau trouble !

Copyright: le Groupe de Recherche sur les Cétacés