… Qui ne va pas inverser la tendance vers un déclin des dauphins et des marsouins
Ecrit sous la pression de l’Europe et du Conseil d’Etat, le projet d’arrêté ‘établissant des mesures spatio-temporelles visant la réduction des captures accidentelles de petits cétacés dans le golfe de Gascogne pour les années 2024, 2025 et 2026‘ qui est ouvert à la consultation publique est important car il concerne normalement trois années, au cours desquelles les réductions totales de capture pourraient se chiffrer en milliers de dauphins et marsouins. Pourraient ou auraient pu ?
Le Conseil International pour l’Exploration de la Mer, CIEM, organisme scientifique de référence pour l’Europe, indique que les captures annuelles de dauphins sont en augmentation sur les 6 dernières années. Ses estimations moyennes sont comprises entre 4000 et 6600 dauphins, selon qu’on se base sur les observations en mer (trop peu fréquentes pour la plupart des métiers) ou les échouages. Dans le pire des cas (borne supérieure de l’intervalle de confiance), ces captures annuelles pourraient dépasser 11000 dauphins, et c’est sans compter les marsouins. De plus, les captures ne sont comptabilisées que pour une partie de l’Atlantique nord-est, qui est l’aire de distribution de la population de Delphinus delphis.
S’il considère une fermeture temporaire des pêcheries s’exerçant avec des ‘métiers’ identifiés comme à risque pour les petits cétacés (trois types de chalut et deux types de filets fixes), l’arrêté en exempte les fileyeurs de moins de 8 mètres, qui pourtant peuvent poser chacun plusieurs kilomètres de filet, et se comptent par centaines. De nombreux marsouins seront victimes de cette exemption. D’autre part, les gigantesques sennes ‘danoises’ ne sont pas concernées.

Alors que la période à ‘risque’ s’étend selon le gouvernement entre le 15 janvier et le 31 mars (en fait la statistique des échouages montre plutôt un plafond de captures à partir du 1er février) l’arrêté gouvernemental propose une fermeture partielle de 4 semaines du 22 janvier au 22 février. Si cette fermeture ne comportait pas autant d’exemptions, la réduction potentielle pourrait peut-être atteindre 25% des captures, soit plus d’un millier de dauphins communs par an. Ce qui serait significatif.
Les navires exemptés de fermeture temporelle pour l’année 2024 sont ceux équipés de dispositifs acoustiques de type répulsif (chalutiers), lesquels ont montré une efficacité significative lors de plusieurs campagnes. Cela concerne notamment les chalutiers pélagiques en boeufs, initialement désignés comme responsables d’une majorité de captures. Ces répulsifs sonores sont, rappelons-le, de forte puissance.
En revanche, pour tout ce qui est filet fixe, les essais de dissuasifs acoustiques effectués en France n’ont pas donné de résultat probant (rapport du CIEM du 9 février 2023) et les autorités, avec les fileyeurs, n’ont pas souhaité utiliser la méthode recommandée par l’Europe et employée avec succès au Portugal (programme LifeMarPro): les balises acoustiques de signalement (pingers de faible puissance). Donc aucune amélioration à attendre pour ces métiers qui représentent actuellement la majorité des captures (dauphins et marsouins).
Pour aborder le problème, les fileyeurs sont donc encouragés à emporter une caméra d’observation qui … aidera à comptabiliser les captures ! En plus de ne pas réduire la mortalité, ces dispositifs sont mal acceptés par les pêcheurs (peu en sont équipés et certains ont même cessé d’utiliser le dispositif). De plus, le contrôle des vidéos par des opérateurs (à terre, après les pêches) demande un temps monstre … et il faut payer les contrôleurs : autant dire l’efficacité immédiate minime à attendre de ce processus. Malgré cela, les fileyeurs équipés de caméras seront exemptés de fermeture !!

On n’abordera pas ici les exemptions qui découlent de l’article 4, lequel traite des pêcheurs qui s’engageraient à utiliser les dispositifs acoustiques ou d’observation mais ne pourraient pas justifier de leur installation avant le début de la période à risque : elles nous semblent relever de la technique du trompe-l’oeil. Ceux qui ne sont pas encore équipés, pour toutes sortes de bonnes raisons, ont droit à une application « à la carte » des mesures de fermeture. Il suffirait donc peut-être, au moins en 2024, de simplement promettre d’être ‘vertueux’ pour bénéficier d’arrangements.
Pour résumer, ce projet d’arrêté, dont l’intitulé est prometteur, n’a aucune chance de réduire les captures jusqu’au seuil souhaitable a minima, qui vaudrait environ …. 5000 captures de dauphins communs pour l’Atlantique nord-est (la fameuse mortalité biologiquement tolérable ou PBR). Et le CIEM conseille de se référer à un seuil de capture qui vaudrait 50 ou 75% de ce PBR, compte-tenu de la mortalité qui n’est pas estimée pour les autres régions de l’Atlantique nord-est, soit une mortalité tolérable de 2500 à 3750 dauphins au maximum dans le golfe de Gascogne. Sans parler des marsouins communs, qui sont aussi pris en grand nombre dans les filets.

Pour corser le tout, nous n’avons aucune connaissance des mesures adoptées par les pêcheries espagnoles du golfe de Gascogne, en majorité des fileyeurs au large des côtes françaises, lesquelles sont responsables d’une forte proportion de la mortalité constatée dans les échouages. Capturé par un filet français ou espagnol … même sentence pour le dauphin ou le marsouin.
En résumé, le verre n’est pas à moitié plein, il est même plus qu’aux trois-quarts vide … en tout cas exprimez votre engagement pour la protection des cétacés en répondant à la consultation publique à cette adresse : consultations-spmad@developpement-durable.gouv.fr
Alexandre et cetaces.org